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Restaurant La Cranquette à Gruissan (France)

Je ne mets pas souvent en avant d’autres sites gastronomiques. La raison fondamentale est que, lorsqu’on a éliminé ceux qui n’écrivent que le positif et ceux qui sont en situation de conflit d’intérêts, il n’en reste que bien peu. Il y en a toutefois un, en France, que j’aime particulièrement : C’est meilleur quand c’est bon.  Les vidéos, de quelques minutes, sont professionnelles, claires et concises. Il y a aussi un climat bon enfant, mélange de fête et d’émerveillement. On se fait au final une idée très juste du restaurant et on peut se décider en toute connaissance de cause.  

C’est donc après avoir vu le reportage d’Emmanuelle Jary que l’envie pressante de découvrir La Cranquette est arrivé. Mais, deux ou trois avis valant mieux qu’un, j’ai quand même vérifié quel était le classement dans les deux guides gastronomiques de référence : 10,5/20 au Gault & Millau et rien du tout au Michelin.

Alors qui a tort et qui a raison ? 

La carte des vins

Les gastronomes ne le savent que trop bien : il n’y a pas de bons repas sans de bons vins.  

On a le plaisir de découvrir que la Cranquette a fait un réel travail sur sa carte, notamment au travers d’un large parti pris autour des vins natures/bios.

Je ne suis pas un ayatollah naturiste pour lequel c’est divin dès qu’il n’y a pas de souffre. Je serais plutôt à ranger du côté des conservateurs, amoureux de la tradition.

Mais, s’il y a bien une chose que j’aime dans les vins natures, ce sont les rosés et les pétillants. Car ces vins, quand ils sont bien faits, dégagent des arômes exubérants de fruits rouges et c’est parfait pour l’été. De pous, comme ces vins ont pour vocation d’être bu dans l’année, la question de la longévité et celle de leur vieillissement ne se posent pas.

A la Cranquette, la première belle surprise fût le pétillant naturel Jeannette d’Olivier Mavit : des arômes de groseilles et une fraîcheur qui fait plaisir sous les 38 degrés de Gruissan.

Pour suivre, un rosé aromatique et expressif du Domaine Balansa

En plus d’être vraiment bons, les vins sont vendus relativement peu chers (25 euros en moyenne)

Le seul souci, mais il est de taille, ce sont les verres : des verres bas de gamme (peu haut, peu évasé et avec un gros bord en verre) qui ne rendent pas honneur à la qualité des vins. C’est un problème majeur que j’ai souligné : une partie de l’excellent travail de sommelier et des vignerons se retrouvent anéantis par ces piètres verres.

La cause est, hélas, une rupture de stock : les verres sont commandés depuis longtemps mais ils n’arrivent pas ! Espérons que cela se corrige rapidement afin de rendre leurs lettres de noblesse aux bons vins de cette carte si intéressante.

Le service

Je suis venu dans un service du soir en pleine saison haute. C’est donc dans des situations un peu extrêmes que mon repas s’est déroulé. Du coup, ça court beaucoup et ce n’est pas la même expérience qu’Emmanuelle Jary (surtout pour l’aspect conseil vin, qui fût inexistant). On a aussi un peu l’impression qu’on enchaine à toute vitesse les plats afin, peut-être, de libérer une table et de lui donner un second service (pure supposition de ma part mais c’est mon ressenti vu la cadence des plats).

Mais le service est convivial et très souriant et on c’est ce qu’on retient à la fin.  

La cuisine de la Cranquette

Les Cranquettes sont des petits crabes que l’on trouve à Gruissan. On aura de suite compris que l’on est dans un restaurant de poissons. Et, même si le restaurant propose des plats « terre » (comme des escargots ou une côte de porc noir), c’est clairement le côté mer qu’il faut viser au risque, sinon, de passer complètement à côté de ce qui rend ce restaurant particulièrement attractif.  

Le restaurant revendique travailler avec des produits de la pêche locale, de saison et dans les limites de ce qui est disponibles. Ce sont des affirmations qu’il est toujours difficile de vérifier, à la Cranquette comme ailleurs, mais la qualité de mon repas m’a convaincu. C’est un point de départ déjà remarquable (car, dans les restaurants à côté, ceux pour touristes, on servira plutôt du sous-vide industriel afin de maximiser les bénéfices tout en faisant croire au touriste qu’il a fait « la bonne affaire » vue le prix payé).

On retrouve donc les cranquettes dans certains plats comme les « Bourride d’anguille de Gruissan, bisque de cranquettes (crabe de Gruissan) à la tomate aux parfums de garrigue ». Le plat est servi dans un contenant super chaud. Quel plaisir : on déguste un plat mijoté et à parfaite température, comme cela devrait être le cas tout le temps et partout d’ailleurs ! C’est aussi un tout beau plat car il y a une concentration de saveurs, comme en témoigne la couleur du jus. Les chaires des anguilles se détachent toute seule, probablement grâce à une longue et douce cuisson. C’est une belle réussite.  

La bourride est un plat puissant et goûteux. Un autre exemple de plat puissant, gouteux et divinement gourmand est le Homard bleu entier (500g) flambé au whisky, spaghettis, sauce armoricaine. Ici non plus on ne fait pas dans les chichis des étoilés : exit les mousses, exit les espumas, exit les gels et exit les « tuiles » (pour une texture en plus). Plutôt, place à un jus remarquable, place à un beau produit (homard) cuit parfaitement (non sec) et place à une demi-heure de plaisir ! Connaissant le prix du homard bleu breton dans les poissonneries, une telle assiette à 55 euros est un super rapport qualité-prix au vu de la réalisation parfaite !  

Réduire la cuisine de la Cranquette à une cuisine mijotée et puissante serait toutefois aller trop loin. Le chef est capable de beaucoup de finesse comme il le prouve avec les Couteaux grillés, bouillon de cochon au fenouil de la Clape, combawa, pickles de fenouil bulbe au sésame. Les couteaux au restaurant, c’est en général « no way » pour moi pour la simple et bonne raison qu’énormément de restaurants ne savent pas les cuire et qu’on se retrouve avec des morceaux de caoutchouc dans l’assiette. A la Cranquette, c’était tout le contraire avec une cuisson remarquable. Mais, ce qui est le plus incroyable dans ce plat, c’est le jus à base de bouillon de porc et de fenouil. On a, ici, un accord terre-mer d’une grande finesse et d’une excellente précision.

C’est tellement bon, qu’on ne peut résister à saucer le plat et à finir le bouillon avec les grosses tranches de pain artisanaux servis à table.

Dans les restaurants non gastronomiques, la finale (c’est-à-dire le dessert) est souvent en dessous. Mais, ce ne fût pas le cas avec la Ganache fondante au chocolat noir de Venezuela 72%, filet d’huile d’olives, fleur de sel de Gruissan. Je ne sais si je suis particulièrement bien tombé ou si c’est comme cela sur tous les desserts mais celui-ci était particulièrement réussi : une sucrosité au plus bas (tout à fait dans la tendance actuelle et ce que les gourmets cherchent) et du peps avec la pointe de sel de Gruissan.

Conclusions

Dans le match « C’est meilleur quand c’est bon » / Gault & Millau / Michelin, le gagnant est sans contexte Emmanuelle Jary qui a eu raison de mettre ce restaurant à l’honneur. Il serait temps que Gault & Millau revisite le lieu (sa note de 10,5/20 ne trouvant, à mes yeux, sa raison que par l’absence de visite ces dernières années) et que Michelin s’y déplace (et lui décerne, d’emblée, le BIB Gourmand).

En fait, La Cranquette correspond à ce que j’aime. Les plats sont basés sur des beaux produits frais, souvent pêchés localement et ils sont cuisinés avec gourmandise et précision. Il y a, à la Cranquette, un vrai travail de chef, un vrai travail sur les vins et un service souriant. Au prix actuels de la carte, difficile, vraiment, de trouver mieux !


LIEN VERS LE SITE WEB DU RESTAURANT

https://www.lacranquette.com/


MENU

Couteaux grillés, bouillon de cochon au fenouil de la Clape, combawa, pickles de fenouil bulbe au sésame

Tenilles de Gruissan, sauce aïoli

Homard bleu entier (500g) flambé au whisky, spaghettis, sauce armoricaine

Bourride d’anguille de Gruissan, bisque de cranquettes (crabe de Gruissan) à la tomate aux parfums de garrigue

Côte désossée de cochon noir de Bigorre, wok de légumes, sauce à l’encre de seiche

Ganache fondante au chocolat noir de Venezuela 72%, filet d’huile d’olives, fleur de sel de Gruissan


LOCALISATION

13 Rue de la République, 11430 Gruissan, France


PHOTOS

 

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