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France – Mégève – Restaurant Le Flocon de Sel – 3* Michelin – 19,5/20 au Gault & Millau

Restaurant Le Flocon de Sel à Mégève par Emmanuel Renaut.

Un repas dans un restaurant tri-étoilé Michelin n’est pas donné. Alors il faut en profiter un maximum afin de ne rater aucunes des subtilités de la cuisine du chef. On peut bien évidemment venir découvrir un chef sans connaître son parcours et très bien en profiter. Mais il y a mieux : lire un livre sur le chef avant son repas.

 

Le Flocon de Sel est un des rares restaurants trois étoiles au Michelin. J’écris rare car, en 2015, la liste ne comptait que 111 membres de par le monde.

Michelin est probablement le guide le plus influent mais il n’est pas le seul. Gault & Millau fait aussi parler de lui. Ce n’est pas toujours systématique mais ici les deux guides sont d’accord puisque Gault & Millau a décerné un très rare 19,5/20 au Flocon de Sel.

C’est aussi un Relais & Châteaux et un hôtel classé cinq étoiles.

Le cadre au Flocon de Sel

Le Flocon de Sel est installé dans un chalet haut de gamme, ce qui est cohérent avec la région de Savoie. Ces maisons de montagne font la part belle au bois.

Pour l’apéritif, plusieurs espaces sont prévus. Celui-ci, avec vue sur les montagnes, semble réservé aux tables de deux ou trois personnes.

L’apéritif maison, à 16 euros (prix très bas pour un restaurant de ce niveau) est à base de noisettes et crémant….de Savoie bien sûr.

Les salles de restaurant sont dans la même lignée : beaucoup de bois et de belles vues sur les montagnes environnantes.

Les Bordeaux et le Flocon de Sel

Le Bordeaux Bashing, c’est à la mode. Il est de bon ton de ne plus boire de Bordeaux, voir même de dénigrer Bordeaux. Des vins jus de planche, des outils de spéculation pour les chinois, des vins de masse (ndlr : à opposer aux vins d’artisans-artistes),…sont autant de phrases de plus en plus souvent entendues.

Bordeaux se retrouve donc un peu sur la défensive et contre-attaque avec, comme intention, de redorer son image de marque. Le Flocon de Sel s’était donc joint à l’action et propose, en ce moment, quelques bouteilles de bons Bordeaux facturés, selon leur dire et selon ce qu’on lisaitt sur le site web https://www.cartesurtable.com, au prix caviste.

Sauf que, lorsqu’on regarde la cote Idealwine (c’est-à-dire la cote spéculative et pas le prix de revente moyen), on voit que le Clos Fourtet 2005 se vend à 121 euros (230 ici à la carte) ou que le Palmer 2006 se vend 146 euros (280 ici à la carte). Bref, si les prix sont ceux d’un caviste, alors il doit s’agir d’un caviste qui vend au double du prix spéculatif….on a déjà vu mieux comme caviste !

La carte des vins du Flocon de Sel

Bref, autant s’éloigner des Bordeaux. D’autant que la carte des vins du Flocon de Sel est tout bonnement exceptionnelle. Il y a tout, vraiment tout. C’est un rêve. On ne sait d’ailleurs où donner de la tête et c’est un vrai dilemne que de devoir choisir.

Par exemple en Loire, une région que j’affectionne tout particulièrement, on retrouve tout ce qu’il y a de meilleur et à tous les prix. On peut déjà se faire très plaisir avec un excellent Nuance de Vincent Pinard à 69 euros ou viser l’exception avec un Dagueneau ou un Clos Rougeard.

Point de vue prix, c’est souvent le coup de fusil dans les restaurants trois étoiles au Michelin. Mais le Flocon de Sel dénote en restant raisonnable avec un X4 environ. C’est intelligent car cela donne envie de faire des petites folies.

Le coefficient multiplicateur fond même à un X2 lorsqu’on regarde les vins de Savoie. C’est d’ailleurs ces vins que je conseillerais de déguster. Après tout, boire du « local » est quand même ce qu’il y a de plus cohérent. En particulier, je recommande les vins de deux domaines : Domaine des Ardoisières et Domaine Belluard. Et pour ceux qui ont une petite soif, quelques vins au verre sont proposés, en ce compris quelques vins de Savoie :

Enfin, pour terminer sur la carte des vins, je ne peux que conseiller aux hommes de bien boire. Car, se rendant ensuite au « petit coin », ils auront un aperçu de cette magnifique cave et de la collection de Chartreuses.

Les menus au Flocon de Sel

Les prix des menus au Flocon de Sel démarrent à 130 euros pour un quatre services. A l’autre extrémité, le grand menu neuf services est proposé au prix de 270 euros.

Ce sont des menus qui font la part belle à l’improvisation et aux envies du chef. Quelques plats à la carte sont aussi proposés.

Le chef du Flocon de Sel : Emmanuel Renaut

Quand on se promène dans les couloirs du sous-sol, on est surpris par tous ces portraits de grands chefs. C’est, en quelque sorte, un hommage d’Emmanuel Renaut à ceux qui ont marqué, et dont certains marquent encore d’ailleurs, la gastronomie française.

En fin de repas, il est proposé à tout le monde de rencontrer le chef dans sa cuisine. C’est un signe d’attention très délicat et très appréciable. 

Il existe même une table en cuisine. A côté de moi, un chef d’entreprise, accompagné de son assistante, était « en repérage en vue de préparer le repas anniversaire de sa société au mois de juin ». Il souhaitait donc, dans la mesure du possible, avoir un aperçu de différents plats qu’il pourrait avoir en juin. Le chef l’a alors invité à manger en cuisine afin de pouvoir lui préparer quelques plats minute et interagir avec lui pour cerner au mieux ses attentes. 

La cuisine au Flocon de Sel

Le site web du Flocon de Sel résume assez bien la cuisine du Flocon de Sel : « Ici, le Chef Emmanuel Renaut livre une cuisine aussi subtile qu’inventive, qui s’accorde aux nombreuses références de la carte des vins. La finesse des produits, la maîtrise des cuissons et l’association des textures… le tout se conjugue à de subtils assaisonnements au profit de l’essentiel, le produit. »

Mais, à trop viser la finesse et à trop vouloir contenter le plus grand nombre (en particulier la clientèle internationale), ne risque-t-on pas de perdre en typicité ? Trop de finesse ne nuit-elle pas à la finesse ? Au début du repas, une serveuse soucieuse de satisfaire les clients au mieux, est venu nous demander si nous aimions les viandes au goût plus fort de gibier. Il y a peu de choses que je n’aime pas mais il est vrai que des plats puissants comme par exemple le lièvre à la royale n’ont pas ma préférence. Mais, fort heureusement, la serveuse parlait ici de caille. Il se fait que je considère la caille comme un oiseau au goût assez délicat. S’il y a bien un gibier dont le goût n’est justement pas fort, c’est bien celui-là. Mais peut-être que la caille, pourtant préparée avec finesse par un chef de renommée mondiale, c’est encore trop fort ?

Cette petite anecdote est peut-être révélatrice et il est vrai que j’ai eu cette impression que l’on essaie de trop gommer les aspérités, de trop lisser les différences (culturelles) dans les assiettes et qu’on sous-assaisonne pour permettre à chacun de s’y retrouver. Il me manquait sans doute le peps et l’explosivité des goûts des beaux produits sur certaines préparations. 

La typicité du Flocon de Sel

Comme dans la plupart des restaurants trois étoiles, la dimension identitaire est importante. Il faut une empreinte, une marque de fabrique, souvent teintée par des produits et des coutumes locales. Emmanuel Renaut l’a bien compris. Il intègre tout d’abord les produits luxueux de sa région : Omble Chevalier, Morille, Chartreuse… et il n’oublie pas d’y intégrer les traditions notamment avec beaucoup de plats fumés (avec du foin des alpages). Il pousse l’inventivité jusqu’à proposer une glace aux saveurs des bois véritablement délicieuse.

Enfin, le chef propose une cuisine hyper technique et précise pour sublimer les textures. Que l’on parle de quenelles ou de l’omble chevalier, le fondant et l’onctuosité qu’il arrive à obtenir m’ont impressionné . Les cuissons sont évidemment remarquables elles aussi et en particulier dans la complexité rarement atteinte de servir des assiettes bouillantes et des ingrédients très chauds (mais jamais surcuits).

Le service au Flocon de Sel

Le service est supervisé par madame Renaut qui n’est, du début à la fin, que sourire, gentillesse et amabilité. Comme dans toutes les grandes maisons, le service est au top et tout le personnel, de la cuisine à la salle se plie en quatre pour vous faire passer un moment merveilleux.

La gestion des attentes des clients 

Un des plats ne me plaisait pas. Bien exécuté, je le trouvais un peu morne. Lorsque la serveuse est venue rechercher les assiettes et qu’elle a posé la traditionnelle question « Ca a été ? », je lui ai soumis ma perception. Elle me répondit par un sourire et cette petite phrase : « on ne peut pas tout aimer ». Certes, c’est vrai mais puiqu’on me posait la question, j’y répondais sincèrement.

Mais je pense qu’il y a eu quelque chose qui s’est enclenché à ce moment là. Selon ma perception, à posteriori et je peux me tromper, le service a repéré une table « potentiellement insatisfaite ». Et c’est là qu’on voit qu’on est dans le tout haut de gamme car je pense que le menu s’est adapté et que le chef a, probablement, voulu nous montrer de quoi il était capable avec notamment des plats signatures comme le biscuit de brochet et lotte du lac. Et c’est clair que c’est un très très beau plat.

Je pense, mais je peux me tromper, que le chef a pu réagir avec cette notion de plus en plus rare de service à la clientèle. Un quidam, en l’occurence moi, dit ne pas aimer un plat. A-t-il raison ? Sans doute que non car un grand chef, reconnu par les guides et ses pairs est un professionnel. Mais ce n’est pour autant qu’il dénigre ou se moque de ce quidam. Au contraire, il se dit qu’il lui reste une chance de le faire changer d’avis et il se donne à fond. Trois étoiles Michelin et 19,5/20, cela ne se joue pas que dans l’assiette : c’est une attitude aussi.

Pour terminer au Flocon de Sel

Pour terminer le repas au Flocon de Sel, il y a une exclusivité rare à ne pas louper : une carte incroyable de Chartreuses. Il y en a pour tous les prix. On démarre avec la simple Chartreuse à 12 euros pour terminer avec les rares Chartreuses de Tarragone de 1903 (année symbolique car elle correspond à l’expulsion de France des pères Chartreux et à leur installation à Tarragone en Espagne) à 480 euros le verre.

De la Tarragone, c’est très rare et très difficile à trouver. N’étant plus produite depuis 1989, les bouteilles en circulation se raréfient. La loi de l’offre et de la demande joue alors à fond : une forte demande et une faible offre fait exploser les prix. Mais l’occasion était donc trop belle, de déguster ce mythe, en version 1975 (l’année de naissance de votre scribe).

Voilà de quoi finir en beauté un repas dans une des plus belles tables du monde.


Lien vers le site web du Flocon de Sel

https://www.floconsdesel.com/fr/


Menu promenade au Leutaz du Flocon de Sel

Premières mises en bouche :
– Pain soufflé, polenta, reblochon
– Beignet au lait d’alpage légèrement fumé

Mise en bouche : champignon et vinaigre de sarriette

Mise en bouche : Tartelette au chou rouge fumé

Oeuf coulant, écailles de champignon, café

Morilles farcies, émulsion ail des ours, butternut et réglisse

Fins gnocchis de racines « céleri et panais », consommé de leurs peaux, vieux Beaufort, huile de noix d’usine et truffes

Premières asperges vertes du Luberon en tarte fine inversée amandes et noisettes

Omble chevalier, mousseline de céleri, émulsion sapin

Biscuit de brochet et lotte du lac, tapioca, sauce aux oignons grillés et sarrazin

Quenelle de gardons, crustacés, jus aux oignons grillés

Caille, mousseline de trompettes de la mort, tartelette à la truffe, consommé au genièvre

Pommes de terre soufflées et fumées

Premier dessert autour de la noisette et du citron

Dessert

Tarte tiède au chocolat fumé

Faisselle de Megève relevée d’un trait de réglisse dans une fine coque chicorée café

Crème glacée au bois de nos Montagnes

 


PHOTOS

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