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Restaurant The Jane par Sergio Hermann à Anvers

Restaurant The Jane par Sergio Hermann à Anvers

The Jane….le grand gagnant de l’année du point de vue des guides 2015. Moins d’un an après son ouverture, Sergio Hermann (et son chef au fourneau : Nick Bril) a réussi son pari : une étoile au Michelin et une entrée remarquée à 16/20 au Gault & Millau (note post-article : le restaurant a obtenu une seconde étoile au guide 2016).

Ayant eu la chance de manger à Oud Sluis (restaurant de Sergio Herman à Sluis : 3* Michelin, 20/20 Gault & Millau et dans le top 20 des meilleurs restaurants du monde), il n’en fallait pas moins pour piquer ma curiosité culinaire et me donner l’envie d’aller passer une soirée à Anvers. Mais on ne va pas manger comme on veut à The Jane. Même avant cette consécration des guides et le battage médiatique qui s’en suit, y obtenir une table un samedi soir était un véritable parcours du combattant.

Il faut s’y prendre trois mois à l’avance, trois mois pile, jour pour jour. Avant c’est complet et vous êtes placés sur une liste d’attente. Après, ce n’est pas possible (on ne peut réserver quand dans une fenêtre de tir de trois mois, fenêtre mobile qui change donc chaque jour). La prise de réservation se fait par internet à partir de 8h en mode « premier arrivé, premier servi ». Pour l’anecdote, on s’est mis à quatre pour avoir une table de 11 et il n’y a que moi qui aie réussi à avoir une table pour six.

Trois mois plus tard donc, voici le grand jour : celui du repas à The Jane. A l’extérieur du restaurant, le cadre est impressionnant : une ancienne chapelle militaire rénovée dans un style trendy et cosy. L’ambiance intérieure est jeune, branchée, moderne, luxueuse….On ne se lasse pas du plafond magnifique, du lustre grandiose et de la vue plongeante sur une cage de verre où officie une impressionnante brigade de cuisine (j’en ai compté 10).

On sent, et on s’en réjoui, qu’on va vivre une expérience hors du commun. Un bémol toutefois dans ce cadre idyllique : une musique dont le volume sonore élevé donne l’impression qu’on mange dans une discothèque.

Venons en à l’essentiel : que mange-t-on à The Jane ? Le choix est limité : on ne peut manger qu’un menu car il n’y a pas de carte. Le seul choix possible (le soir) se résume à trancher entre le menu 7 services (70 euros) ou le menu 8 services (85 euros). Il y a, en sus, l’option fromages (+18 euros) et/ou l’option toast cannibale (+30 euros).

Même si le choix est par conséquent limité (quid de ceux qui souhaitent manger un ou deux plats à la carte ?), l’approche permet au moins permettre de travailler des produits frais et permet de simplifier l’organisation de l’équipe cuisine afin d’optimiser la qualité de ce qui est servi. Par contre, il faut tempérer un peu : le nombre de services ne paraît pas si long car les assiettes arrivent deux par deux. On a donc bien 7 services mais avec 4 envois.

Le repas commence par quelques mises en bouche de bonne composition et un magnifique et délicieux cocktail super original : grenade, pastèque, estragon, épices, granité et champagne. 

Viennent ensuite les assiettes du menu. Visuellement, c’est magnifique : on voit que le dressage est étudié, soigné et parfaitement exécuté. Cela rappelle un peu Oud Sluis d’ailleurs. Mais la comparaison s’arrête là : à The Jane, les assiettes sont moins complexes et contiennent une palette plus restreinte de saveurs. Et honnêtement, c’est un point positif car trop de saveurs rend souvent le plat moins lisible.

Par contre l’exécution des plats ne me transcende pas. Ce qui me dérange le plus, c’est l’absence d’équilibre et d’harmonie. Les assiettes ont du peps et ça envoie du lourd en terme de puissance gustative. Mais il y a souvent un déséquilibre : un arôme l’emportant sur les autres. Ajoutés à cela quelques sur-cuissons sur des poissons avec une sous-cuisson systématique sur les légumes (durs car presque crus), c’est un peu compliqué.

Sur le choix des ingrédients, le chef reste sur des produits accessibles (comprenez peu luxueux). Même si on retrouve ici et là un quelques ingrédients nobles (et coûteux) comme la langoustine, le calibre est alors le plus petit (et le moins cher). Il faut bien sûr remettre cela dans son contexte : on est dans un menu à 85 euros et vu le prix, ce n’est pas un scandale. Mais je préfère payer un peu plus et avoir des produits d’exception qui marqueront mon palais et ma mémoire.

Sur la conception du menu, le chef a privilégié beaucoup de plats froids (certains refroidis par azote, ce qui rappelait les grands moments du moléculaire). A tel point d’ailleurs que même certains plats chauds arrivent tièdes…dommage.

Je n’ai pas un grand appétit et la quantité n’est clairement pas le facteur le plus important. Mais il y a des limites à ne pas franchir et cette expérience fût un peu en dehors de ma limite. Chaque envoi contenait des quantités relativement restreintes : ce sont presque des tapas et on pourrait sans soucis en manger le double. Le sentant venir, la table avait choisi l’option toast cannibale : 30 euros pour de la brioche, langoustine et tartare de bœuf. Trente euros en option (sur un menu 8 services à 85 euros), ce n’est pas négligeable.

Le prix est une chose mais la qualité en est une autre. Ayant reçu à nouveau une assiette tapas et une exécution un peu approximative sur la cuisson, nous avons appelé le responsable de la table et nous lui avons expliqué notre mécontentement. Le message fût bien reçu et nous avons eu un plat supplémentaire en « complément ». Et sur l’addition, l’option « toast cannibale » de 30 euros n’a pas été facturée non plus. J’avoue que j’admire leur gestion des « conflits » et que cette façon de faire les honore. C’est la grande classe.

Pour le service en salle, on sent que le personnel a été recruté et briefé pour correspondre à l’esprit The Jane. Jusque dans le service, la touche de Sergio Hermann est là et le concept est très cohérent. Mais le service pourrait toutefois encore progresser. Je pense qu’il manque un chef d’orchestre (un Fabrice D’Hulster ou un Sébastien Guchet) pour organiser et coordonner la brigade.

On ressent qu’ils doivent courir et on ressent qu’ils ne peuvent pas s’éterniser aux tables. Ils servent donc le plat, l’expliquent en anglais (ou néerlandais, c’est au choix) et puis disparaissent. Et le plat suivant, ca sera probablement un serveur différent. Du coup la communication est compliquée dans l’équipe : les demandes faites à l’un sont oubliées par le suivant (par exemple celle d’expliquer les plats au centre de la table et en parlant fort pour que les paroles soient compréhensibles par tous au-delà de la musique).

L’heure avançant, on sent aussi que le service se relâche : en cuisine, on voit les cuisiniers jouer à se lancer des essuies et en salle, on souhaite terminer le service au plus vite. On fût un peu choqué de voir un garçon ranger les couverts, en faire tomber un par terre et le remettre comme si de rien n’était. Même après la remarque d’un des convives de la table, il s’est contenté de sourire et puis de partir, laissant le couvert tombé parmi les autres propres.

Pour les vins, la carte de The Jane permet de se faire plaisir. A condition bien sûr d’avoir le budget. Les premières bouteilles démarrent à 42 euros et puis ça monte très vite avec plusieurs références à plusieurs centaines d’euros. Mais, pour ceux qui ont eu le courage de me lire jusqu’ici, je vais vous donner un truc : moyennant un droit de bouchon de 25 euros, vous pouvez amener vos bouteilles. Voilà donc pourquoi nous avons pu nous permettre quelques bouteilles d’exception telle qu’un Champagne Salon 1999, la Grange des pères blanc 2004, du chablis 1er Cru Raveneau 1er cru 2006 Butteaux, du Puligny Montrachet 1er cru 2010 Folatières de chez Lemoine, du Clos de Vougeot 2009 de Méo-Camuzet, du Clos des Lambrays 1998, de la Grange des pères rouge,…

Au final, The Jane fût une expérience…une expérience intéressante et un concept cohérent et dépaysant. Je suis content de l’avoir fait et j’en garderai un beau souvenir. Est-ce que j’y retournerai ? Sans doute pas. Car j’ai souvent eu l’impression que la forme prenait le dessus sur le fond et que l’emballage du concept cachait (très bien d’ailleurs) un manque de fond dans les assiettes. Et au final, c’est quand même ce qui importe pour moi : le produit et les assiettes !


LIEN

http://thejaneantwerp.com


LOCALISATION


MENU

 

Scallop, Sea Buchthorn, ceviche, bergamot

Smocked eel, foie gras, Jerusalem artichoke, truffle

Nort Sea shrimp, potato, kale

Souvenir from Singapore

Toast cannibal

Augergine Parmigiana

Chicken béarnaise

Venison, celeriac, quince, mushroom

Apple, coffee, mandarin

 


PHOTOS

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