Site icon Passion Gastronomie

Quelques réflexions au sujet de mon expérience dans les adresses étoilées Michelin

J’ai mis du temps mais j’y suis arrivé ! J’ai rempli ce challenge personnel, initié il y a deux ans, de manger et d’écrire sur les cinquante-deux tables étoilées de Bruxelles et Wallonie : https://www.passiongastronomie.be/2017/10/guide-michelin-2018-belgique-restaurant-etoile/

C’est un aboutissement pour ce pari un peu fou et, à ma connaissance, unique. Je pense en effet que cela n’avait pas encore été réalisé. C’est vrai qu’il faut du temps et qu’il faut être prêt à rouler parfois plusieurs heures pour atteindre les adresses les plus éloignées. Il faut aussi, et c’est peut-être la partie la plus délicate, un certain budget lorsque, comme je l’ai fait systématiquement, on choisit de payer toutes ses additions pour garder son indépendance. Enfin, ayant pour but d’écrire sur tous un article sincère (et non pas un article sujet-verbe-compliment) tout en respectant mes lecteurs, il n’est pas possible de se retrancher derrière le silence pour ne pas taire les expériences décevantes.

De cette magnifique expérience, je retiendrai beaucoup de choses. Tout d’abord énormément de belles rencontres avec des chefs au tempérament souvent bien trempé (et il en faut pour faire ce métier). Ensuite, énormément d’émotions avec tellement d’assiettes incroyables qui font briller la Belgique au firmament de la gastronomie mondiale.

Mais je retiendrai aussi une disparité marquée, que l’on se situe à une étoile ou à deux étoiles. J’ai eu régulièrement l’impression qu’il y a une certaine incohérence probablement due au système de notation. Je suppose en effet qu’il y a des adresses une étoile qui vaudraient, si on affinait l’échelle de mesure, 1.01 étoile tandis que d’autres afficheraient, elles, 1.99 étoiles. On peut donc, à un même niveau de notation Michelin, avoir l’impression d’être dans un monde tout autre et, hélas, à des niveaux difficilement comparables.

J’ai aussi l’impression que le guide Michelin cherche, au moment de la sortie du guide, à faire passer un message subliminal du genre : « Michelin ne subit pas la pression, on ne dicte pas les étoiles à Michelin : c’est Michelin qui décide et dicte la tendance ». En soi, un guide sérieux qui cherche à rester la référence, ce n’est pas gênant. Mais, au fil des ans, j’ai l’impression quand même que cette politique (supposée) a induit quelques biais dans le classement des restaurants.

Tout d’abord, il me semble que des adresses très en vogue et tout à fait valable subissent d’une certaine manière le contrecoup de leur célébrité médiatique et populaire. J’ai l’impression parfois que plus les journalistes et blogueurs écrivent que le restaurant X mérite une étoile (et plus parfois), plus Michelin prendra le temps. Elle finit souvent par arriver mais avec un certain délai. Un directeur d’un autre guide m’avait d’ailleurs confié, à l’occasion, que la meilleure façon pour qu’un restaurant n’ait pas son étoile, c’est d’écrire qu’il était évident qu’il devrait l’avoir.

L’autre biais qui me semble être apparu, c’est ce que j’appelle l’adresse « BUZZ ». Chaque année, Michelin sort une adresse que personne n’a vu venir et c’est souvent un restaurant atypique et dont les standards sont à l’opposé de ce qu’on trouve généralement.

Le guide Michelin n’est donc pas parfait et souffre légèrement, selon moi, d’une certaine incohérence. Mais le guide Michelin est probablement le guide le plus sérieux et le plus intègre. Les mini-scandales, très rares et souvent montés en épingle par la presse, ne représentent finalement pas grand chose par rapport à d’autres qu’on rencontre ici et là dans d’autres guides, dans la presse ou sur les blogs.

Dans les cinquante-deux tables étoilées, tout ne fût pas superbe, splendide, grandiose,… Il suffit de parcourir les articles pour le savoir ou, encore, de lire certaines réponses de restaurateurs. Mais, globalement, je reste convaincu que la Belgique est une terre exceptionnellement riche gastronomiquement parlant. Partant de n’importe quel coin du territoire, on peut en général atteindre plusieurs restaurants étoilés à une heure à la ronde. C’est une chance et un rare privilège pour les gastronomes ! Mais, à contrario, c’est aussi peut-être une des raisons pour lesquelles le secteur HORECA souffre. La concurrence est rude et, pour prendre des termes économiques, l’offre est peut-être supérieure à la demande.

Je trouve aussi que Michelin est beaucoup plus strict pour donner une étoile en Belgique qu’en France. Il n’y a, si on analyse bien, finalement que très peu d’adresses surcotées par Michelin en Belgique. En France, j’ai le sentiment que c’est moins vrai, surtout lorsque l’on s’éloigne de Paris.

Des cinquante-deux tables visitées (certaines une dizaine de fois), j’ai extrait un top 10 de mes plus belles expériences : https://www.passiongastronomie.be/coupsdecoeur/. Comme tout classement, cela vaut ce que cela vaut. Mais ce sont les dix tables qui m’ont le plus marqué. A contrario, il y a des adresses où je n’irai probablement plus jamais.

En conclusion, je pense que le guide Michelin n’est peut-être plus aussi pertinent que par le passé mais qu’il reste quand même la référence ultime. La concurrence fait rage, notamment depuis l’avènement des blogs et réseaux sociaux mais son statut de N°1 me semble toujours incontestable.

Ayant atteint cet objectif et ayant fait quelques repas dans des tables tri-étoilées étrangères, j’ai un peu le sentiment d’arriver à la fin d’un cycle. La page se tourne mais le livre n’est pas encore terminé. A l’avenir, je vais probablement prendre plaisir à manger régulièrement chez mes adresses coup de coeur. J’espère aussi découvrir, calmement, quelques adresses en Flandres et continuer l’une ou l’autre adresse de rêve à l’international. Mais j’espère surtout avoir plus de temps pour me consacrer à la découverte de jeunes stars montantes.

Quitter la version mobile