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Restaurant L’Envie à Zwevegem

Restaurant L’Envie à Zwevegem

Le restaurant L’Envie à Zwevegem (près de Courtrai) : il faut vraiment en avoir envie pour faire une heure trente de déplacement pour ce restaurant qui n’est mentionné dans aucun guide. Et pourtant je ne suis pas fou ! Car si le restaurant L’Envie n’est pas encore dans les guides, c’est tout simplement parce qu’il a ouvert il y a 7 mois seulement. Une chose est déjà sûre : dans les guides, il y entrera. Et cela sera certainement par la grande porte : je prends le pari !

Bien que très jeune, le duo de patrons a fait ses classes chez un des meilleurs :Yves Mattagne. Je me souviens encore d’un repas en décembre 2014 : une table pour 14 gastronomes avait été réservée au Sea Grill. Le chef, Yves Mattagne, était passé nous saluer avant le service car il avait une autre obligation professionnelle ce soir là. Aux commandes se trouvait donc son second : David Grosdent avec sa compagne et futur associée, Inès Vankeirsbilck, qui s’occupait des desserts. Ce repas fût l’un des plus grands repas que j’aie jamais mangé !

Ayant toujours en mémoire ce grand repas, j’étais donc impatient de rejoindre le restaurant L’Envie afin de voir ce que ce duo proposerait dans ses murs avec son matériel, son équipe et sa sensibilité gastronomique.

Arrivé sur place, l’accueil est excellent. C’est le genre d’accueil qu’on retrouve chez des patrons motivés : Inès est chez elle, souriante et heureuse d’accueillir ses clients. Son restaurant, c’est son bébé et ceux qui viennent y manger lui font tellement plaisir que cela se ressent.

Le service au restaurant L’Envie est bon. Le restaurant était complet avec quelques grosses tables (dont la nôtre de dix personnes) mais ils ont réussi à le gérer et à s’en sortir. C’était un challenge et il fût réussi. On ressentait aussi la volonté de se donner à fond et une pression qu’ils se mettent tout seul pour délivrer le meilleur. C’est très touchant.

En cuisine, le chef David Grosdent, a une devise : rien ne sort de la cuisine qui ne soit fait maison. D’humeur espiègle, je lui demande alors : « Même le pain ? ». Et oui : même le pain est fait maison : un délicieux pain avec une bière locale ! Tout sera en effet maison au restaurant L’Envie : de la première mise en bouche jusqu’à la dernière mignardise (un nougat magnifique).

David Grosdent cherche à mettre en valeur les produits de sa région quand c’est possible : une bière locale, du vieux Courtrai,… Mais, heureusement pour ses clients, il ne se limite pas non plus qu’à ca : quand un produit est remarquable (comme les asperges de Jurbise que Christophe Hardiquest travaille aussi chez Bon-Bon) et bien on les travaille, on les prépare et on les sublime.

Le restaurant L’Envie, ce n’est pas le Sea Grill. Aux commandes de son restaurant, le chef n’exécute pas et ne reproduit pas la cuisine d’un autre (fût elle grandissime) : il crée, il cherche et il tente. C’est toujours intéressant de voir comment un jeune chef, à la maîtrise technique parfaite, a intégré les bases qui font la grande cuisine et les utilise au service de sa sensibilité.

David Grosdent est capable de grandes choses. Deux plats furent grandioses : le duo d’asperges, le plat qui me semblait pourtant trop simple en lisant l’intitulé,  fût le préféré de la table. Un magnifique produit cuit divinement, de la gourmandise avec la poudre de jambon et de l’umami apporté par le vieux Courtrai : du goût, de la finesse et de l’harmonie : magnifique coup de coeur. David Grosdent est déjà capable d’envoyer des plats coups de coeur, même sur des produits simples. Et que boire avec des asperges ? C’est toujours un dilemme tellement le produit est difficile à associé avec un vin. C’est là que notre double meilleur sommelier de Belgique, Gérard Garroy, intervient : deux magnifique chenins de Loire : une Coulée de Serrant 2010 de Nicolas Joly et un autre magnifique vin de Mark Angeli. Encore un preuve de la grande connaissance de ce sommelier hors pair.

Un autre grand plat : le veau et son jus. Une viande magnifiquement tendre et goûteuse avec un jus réduit et corsé juste comme il le fallait pour mettre le tout en valeur : magnifique.

A bien y réfléchir tous les plats étaient très bons. Ils n’étaient pas tous « grands » ni tous « coup de coeur » mais tous bons.
Par exemple le king crabe me semblait complètement écrasé par la queue de boeuf. Ce n’était donc pas mauvais mais le king crabe, ce beau produit, était presque inexistant, ce qui est dommage pour un produit noble.

Quand on voit ce que David Grosent peut envoyer après 7 mois aux commandes du restaurant L’Envie, on se dit que dans 5 ans, il sera parmi l’élite de la profession.

La carte des vins du restaurant L’Envie est top. Il y a eu vraiment un travail de fond et de réflexion qui a accompagné un investissement important en terme de liquidité. David Grosdent est un passionné de vin et sa carte en est le reflet : on y trouve quantité de grandes bouteilles, à des prix corrects (environ X2,5) et avec des millésimes plus anciens.

Je le félicite sincèrement pour son implication dans sa carte des vins. Non seulement cela demande d’immobiliser de l’argent (chose qui n’est jamais facile quand on est jeune et qu’on se lance) mais cela demande aussi du temps et de l’investissement personnel. Aucun vendeur de vin ne vous vendra jamais autant de grandes références : Grange des pères, Ornellaia, Dauvissat, Jamet, Selosse, Dagueneau, Esmonin, Beaucastel, Gaja, Domaine des Lambrays, Dugat-Py, Trevallon, Tempier,… Il faut donc prendre son baton de pèlerin, négocier avec une dizaine de distributeurs et marchander un certain volume de vins de menus en échange de quelques précieuses pépites pour la carte. Bravo David Grondent de faire cet effort pour le plaisir des papilles oenophiles !

La carte est principalement centrée sur la France mais le chef a un péché mignon : l’Italie. Durant ses congés, il descend d’ailleurs là-bas pour prospecter et négocier des bouteilles des plus grands domaines comme Ornellaia. Le millésime dégusté hier, le 2005, n’a pas peut-être pas marqué  nos esprits mais cela reste une référence du genre.

Au rang des émotions, des grandes émotions, ce magnum de Pur Sang du domaine Dagueneau en 2007, soit le dernier millésime vinifié par Didier Dagueneau. Quelle émotion ! Ce vin est la quintessence de ce qui peut se faire, un des plus grands vins blancs qui puisse exister. Ce vin a tout. Tout d’abord de la finesse. Un vin qui n’a pas de finesse ne peut pas être un grand vin. Mais surtout il sublime le sauvignon et le terroir. On n’est pas ici en présence d’arômes de buis ou de pipi de chat mais plutôt sur des arômes complexes de pierre à fusil. Ce vin emplit la bouche, titille les papilles et vous envoie directement une dose d’amour en plein coeur. Décidément, il n’y a pas que le Silex au domaine Dagueneau et décidément ce sont des vins qu’il faut savoir attendre. Et, comble de bonheur, ce vin nous avait été préparé par un ami cher, un double meilleur sommelier de Belgique, qui nous a chouchouté le réveil de ce vin et sa mise en température pour le sublimer.

Le hasard du calendrier a fait en sorte que le vigneron Olivier Paul Morandini (du domaine Fuori Mondo en Toscane) était assis à la table à côté de nous. C’est en effet un fan de la cuisine du restaurant L’Envie et il y passe régulièrement quand il est en Belgique. Comme de coutume quand des passionnés se croisent, les bouteilles voyagent d’une table à l’autre : entre épicuriens, le vin et les émotions qu’il procure se partagent et se discutent.

Olivier Paul Morandini est un passionné et un convaincu. Il a pris le choix de travailler des vins natures. J’aime la philosophie sous-jacente : un minimum d’intrants, laisser le terroir s’exprimer, respecter le sol et le raisin. Par contre j’aime beaucoup moins quand ce n’est pas maîtrisé de A à Z et quand les vins doivent être envoyés à Paris pour traitement (amusante boutade qui signifie que le vin est tellement déviant qu’il n’y a guère que chez les bobos parisiens qu’on peut l’écouler).

Les vins de Paul Olivier Morandini, c’est tout le contraire des vins déviants : de la pureté et, ce que j’adore, de la fraîcheur même lorsqu’il travaille le grenache. Une belle réussite pour ce jeune vigneron, réussite d’ailleurs saluée par un joli article de la RVF et surtout une belle rencontre avec un passionné.

Ayant oublié quelque chose au restaurant L’Envie, j’ai du repasser le lendemain matin. Arrivé à 10h du matin, le chef était déjà en plein travail dans ses cuisines. Sachant que le chef était encore présent lors de notre départ la veille à 2h30 du matin, on comprend qu’il lui faut de l’amour et de la passion pour dormir si peu et travailler autant.

Comme le restaurant L’Envie est loin et qu’il y a de très bons vins, un dernier petit conseil : un chouette petit Bed & Breakfast à 5 minutes du restaurant L’Envie : De Deugdzone avec 6 chambres au tarif de 100 euros la nuit (petit déjeuner inclus).

Bref, vous l’aurez compris : le restaurant L’Envie vous fait envie et l’envie s’en trouve comblée durant le repas. David Grosdent démarre sur les chapeaux de roue et arrive déjà à envoyer des plats coup de coeur. Quel potentiel !


Lien vers le site web du restaurant L’Envie : Lien


LOCALISATION


MENU

Mise en bouche : Kroepoek de crevettes, crevettes fraîches épluchées mains, basilic

Mise en bouche : Sushi de saumon mariné à l’aneth, oeufs de saumon

Mise en bouche : Burrata des Pouilles, ail des ours, noisette

Mise en bouche : Joue de veau et émulsion à la bière

Mise en bouche : Croquette de pieds de porc

Mise en bouche : Crème d’asperges, crevette Nobashi, huile d’olives d’Olivier Paul Morandini

Entrée : Carpaccio de maquereau, radis, échalotte, kroepoek, concombre, salicorne

Entrée : Asperge blanche des Dunes et asperge verte de Jurbise, vieux Courtrai, noisette, pourpier, poudre de jambon

Entrée : Barbue, aster maritime, huile roquette, girolle clou, épinard, petit pois

Entrée : King Crabe, ragoût de queue de boeuf, charlotte, beurre blanc

Plat : Veau de Corrèze, morille, betterave, aubergine, fèves

Sélection de fromages

Fromage de chèvre « de volle maan » d’Oosterzele, baie de kiwi, verveine citronnée, pistache, sorbet de kiwi

Pamplemousse et Kumquat de chez Humberto, vinaigrette romarin, crémeux, confit, fine tuile


PHOTOS

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