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Restaurant Le Gril aux Herbes d’Evan à Wemmel

Restaurant Le Gril aux Herbes d’Evan à Wemmel.

Juger un restaurant sur un repas, c’est bien. Mais le juger sur plusieurs repas au fil des ans, c’est mieux encore. Cela permet de se faire une idée plus précise de la façon dont la cuisine évolue avec les saisons et surtout cela permet d’avoir une idée sur la régularité (ou non) de la cuisine.

Je connais le Gril aux Herbes d’Evan depuis 2012 (avant même la création de mon blog). Le fait que j’y mange depuis cette date au moins une fois par an et pour de grandes occasions (anniversaires) en dit long. 

Le chef Evangelos Triantopoulos, dit Evan

Dans son Gril aux Herbes, Evan est roi. Il fait ce qu’il veut, comme il le veut. Comme sa renommée n’est plus à démontrer et que surtout il ne court pas après, il ne ressent plus la pression des guides ni celle des réseaux sociaux. Il a trouvé son rythme de croisière et cherche surtout à cuisiner ce qu’il aime.  

La motivation d’Evan est plutôt à chercher dans l’amour du produit, un amour qui retransparaît naturellement dans ses plats. On peut donc l’observer, dans sa cuisine ouverte, entouré de ses sélections magnifiques comme, lors de ce repas, un turbot.

Le Turbot est, Evan oblige, bien évidemment un poisson de belle taille que le chef a reçu entier et dont il a prélevé les filets devant moi en quelques coups de couteaux. Quand je pense qu’il me faut bien cinq minutes pour faire la même chose, on voit l’expérience en action et on comprend qu’Evan fait partie de ces grands chefs qui n’ont jamais quitté la pratique de leurs fourneaux, en ce compris pendant les services.

Lors d’un repas précédent, il y avait, au coin du plan de travail, des perdreaux. L’oeil du chasseur (que je ne suis pas mais mon voisin de table l’était), ne s’y était pas trompé : l’épaisseur de la chair témoignait que ce perdreau ne provenait pas d’élevage.

Voilà donc un chef qui met le produit, le beau produit, le produit rare en avant. Et ce chef le fera aussi bien avec un produit de saison (comme le perdreau de chasse ) qu’avec un produit plus simple à travailler mais tout aussi complexe à sélectionner : le caviar. Un caviar ferme, avec des grains de belle taille, et surtout un caviar d’esturgeons plus âgés (de l’osciètre et non du Baeri) pour plus de finesse et de complexité.

Ce caviar a été servi sur deux plats. Tout d’abord avec un tartare de langoustine. On appréciera, au passage, que le caviar ne soit pas là comme petit figurant mais que, au contraire, la générosité du dosage en fasse l’ingrédient principal.

Le caviar viendra aussi un peu plus tard, en accompagnement, pour mettre en valeur le turbot avec une sauce tsarine.

Les tapas du Gril aux Herbes

La cuisine d’Evan a pour trame le concept « tapas » de luxe. Luxe par les produits utilisés mais surtout luxe dans le sens où ses petits plats s’avèrent très élégants et très raffinés.

Evan commence souvent par quelques assiettes simples. Le plaisir du partage est au rendez-vous avec une myriade d’assiettes qui recouvrent la table : Vitello Tonnato, émincé de porcelet, tomates crevettes, artichauts en émincé et Pata Negra.

C’est simple, c’est bon et c’est un démarrage qui plait. Je parlerais, à ce stade du repas, de simplicité mais dans son sens noble et pas dans le sens de quelque chose de basique. Il est simple de servir du jambon…il est nettement plus noble et plus difficile de sélectionner un magnifique Pata Negra, aux délicats arômes de noisette et qui fond dans la bouche. Le Gril aux Herbes d’Evan a su choisir le meilleur.

On passe à la vitesse suivante

Mais en rester là ne suffirait pas à faire du Gril aux Herbes le grand restaurant qu’il est. Alors, très vite, on glisse dans une dimension supérieure. La simplicité reste en trame de fond mais les saveurs commencent à devenir plus explosives et plus jouissives comme avec ce trio de langoustines : Langoustine royale et son consommé d’étrilles, langoustine en papillote et sa mayonnaise au wasabi et tartare de langoustine avec son caviar osciètre. Le concept de tapas est toujours là puisque trois assiettes sont servies en même temps.

Les langoustines font partie de l’ADN d’Evan. Je déguste depuis plus de sept ans la version en nem. Je reste toujours aussi emballé par  la délicate association de la pâte très fine, du léger piquant du wasabi et de la texture parfaite d’une langoustine parfaitement cuite et bien chaude.

Mais, de ce trio, la version la plus magnifique est la langoustine royale et son consommé d’étrilles. De taille « royale » (le plus gros calibre possible), la langoustine est parfaitement cuite car translucide au coeur. Cuire une langoustine n’est clairement pas le plus compliqué, c’est sûr. La grandeur du plat se trouve ailleurs. Comme souvent, et ce plat ne fera pas exception, c’est le jus qui fait toute la différence. 

Préparer des jus et des sauces, cela prend du temps, beaucoup de temps. Bien plus que d’ouvrir une boîte toute faite achetée chez ISPC (à un prix souvent défiant toute concurrence avec le travail manuel en cuisine). Mais l’excellence ne souffre d’aucuns compromis et, au Gril aux Herbes, on prend le temps de faire les fonds et les sauces. On remarquera donc toujours, en observant la cuisine, une grande casserole avec un jus en réduction. Le seul regret qu’on puisse avoir sur ce plat, c’est de ne pas avoir plus de jus car il est tellement remarquable qu’il se suffirait presque à lui-même.

Le sommet de l’art culinaire

On pourrait s’arrêter sur des plats comme les langoustines en trois façons. On serait déjà, au minimum, à l’étoile et au 16/20 Gault & Millau. Mais, Evan a encore du ressort et des surprises en réserve.

Lors de mon repas de l’année passée, en pleine période de chasse, j’avais terminé avec deux plats au sommet de l’art culinaire. Il fallait certes faire abstraction du visuel qui ne rendait absolument pas compte du plaisir que j’avais eu à l’époque, enfin que les neuf convives de ce repas avaient eu, à les déguster.

Le premier plat, enfin le premier duo de plats car Evan ne conjugue pas au singulier, déclinait le perdreau de l’année en deux façons. Perdreau de l’année est un pléonasme puisque le mot perdreau désigne une jeune perdrix de l’année mais ce pléonasme est bien ancré dans la langue française et il est amusant à écrire.

Du perdreau, on en trouve peu au restaurant. C’est un produit relativement coûteux et le vrai, de chasse, est très prisé. J’en raffole car c’est, avec la bécasse, mon gibier à plume préféré avec une typicité dans ses arômes très fins et délicats. C’est dire que, dès qu’il figure à la carte, j’aime en commander. 

Le Gril aux Herbes d’Evan ou l’art de terminer en beauté

L’autre grande surprise du repas 2018 fût un plat incommensurable : du chevreuil (pour être précis, du brocard). Ce gibier, on en trouve souvent en saison. J’écrirais même quasiment trop souvent car cela en devient presque lassant. Quand j’avais entendu l’annonce de ce plat, je m’étais dit : « je me suis éclaté avec le perdreau. C’est déjà un moment rare et cela suffit à faire ma soirée ». Mais Evan, malicieux comme il peut l’être, n’avait pas oublié qu’il faut toujours aller crescendo.

Il y une fonctionnalité amusante sur mon blog : le nuage de points. Le blog génère automatiquement, sur base des photos, un nuage avec les mots clés les plus fréquents. Au plus un produit est proposé par un chef, au plus ce produit apparait en grand. Le mot chevreuil s’écrit donc en assez grand car il apparait sur 24 photos. Comme ma passion me pousse vers les meilleurs restaurants de Belgique, c’est dire si j’ai plus que probablement mangé l’élite (belge) de ce qui se fait autour du chevreuil.

Jusqu’à ce jour, la plat d’Evan reste mon meilleur souvenir de chevreuil. Ce plat, au visuel simple, reposait sur une cuisson moderne et tendance (saignante, limite bleue). Mais surtout cette cuisson avait été finalisée au chalumeau, ce qui conférait un délicat arôme de fumé. Accompagné d’un autre hommage à Joël Robuchon, la purée (que j’ai d’ailleurs regoûtée lors de ce repas), ce plat était exceptionnel ! Un plat dont le goût pourrait faire rougir de jalousie un chef multi-étoilés.

Mais, hors chasse, que peut faire Evan ?

Hors de la période de chasse, on ne peut pas servir ces produits. Alors le chef a deux astuces.

Tout d’abord, il se tourne vers les poissons. Et, nouveauté de cette année, il vient de ressusciter une recette incroyable avec une sauce tsarine (au caviar donc). Le plus beau, c’est que cette sauce se décline aussi bien sur une belle viande blanche que sur un turbot comme ce soir. L’iode du caviar amène une belle fraîcheur à cette sauce riche (en beurre et le beurre, c’est le goût). Mariée avec un poisson noble comme le turbot, aux chairs plus consistantes, on est dans une association très percutante et gourmande. C’est une sauce qu’on ne croise quasiment plus nulle part (sauf chez Prunier à Paris), sans doute à cause de son coût, mais c’est une sauce unique en son genre qui vous procure des sensations de bien-être assez rares.

Un steak, frites et salade ?

La seconde chose que le chef peut faire, hors saison de chasse, c’est un steak, frites et salade. Je parie que beaucoup sont en train de rire. Et je peux les comprendre. Encore que, dans le meilleur restaurant de Belgique (Hof Van Cleve), on trouve aussi un steak frites à la carte et ça interpelle donc.

Evan prouve, comme Peter Goossens, qu’on peut faire quelque chose d’incroyable à condition de bien sélectionner sa viande de boeuf. Et pour justement permettre de comparer différentes qualités, le Gril aux Herbes servait ce soir deux viandes.

La première fût le boeuf Black Angus Onyx. On est déjà dans une belle viande de grande qualité, parfaitement persillée. Elle est bien entendu cuite saignante à la plancha et on lui laisse un temps de repos avant de la servir.

Mais la star incontestable, celle qui rend ses lettres de noblesse au « steak, frites et salade », c’est le Wagyu N°8 Blackmore. On est au summum de la qualité. Certains argumenteront que le Kobé est encore supérieur mais je ne partage pas cet avis. Je dirais que c’est une question de goût. Personnellement, je préfère ce Waguy au Kobé car le goût et la mâche sont plus tranchés. Servie ici dans sa poêle avec une cuisson à nouveau parfaite et au beurre, difficile de faire mieux.

Enfin, pour faire un bon steak, frites et salade, il faut de bonnes frites (ce qui était le cas même si j’ai oublié la photo). Et il faut aussi une bonne sauce pour les accompagner, comme cette béarnaise maison. 

Si on résume la cuisine du Gril aux Herbes

Au Gril aux Herbes, on constate que tout est cuisiné avec grande maîtrise et surtout de façon à respecter le produit pour le mettre en valeur. Le leitmotiv d’Evan dans son Gril aux Herbes, pourrait se résumer par : « L’art de ne surtout pas trop en faire ». Je pense que chacun de ses plats est construit autour de trois saveurs maximum. C’est un nombre visiblement magique chez Evan. 

Quand on démarre dans le monde de la gastronomie et qu’on commence à parcourir les belles adresses, on a tendance à être subjugué par des accords audacieux, des associations osées, des jeux de textures et des visuels artistiques. Et puis, en évoluant, on en revient aux bases : le produit, le produit et le produit cuisiné en finesse et en nuance pour qu’il donne ce qu’il a de plus beau. C’est la force et le secret d’Evan. C’est pour cela aussi que les fins gourmets aiment sa cuisine.

Enfin une carte des vins digne de ce nom

Ma passion première, c’est le vin. C’est d’ailleurs lui qui m’a amené à la gastronomie. Si j’aime aller chez Evan, c’est aussi parce qu’il partage la même passion. Le Gril aux Herbes est un restaurant qui tourne. J’ai l’impression qu’il enchaîne les « complet ». Mais Evan était prêt, pour sa passion, à sacrifier quelques tables pour créer un espace cave à vin qui lui tenait à coeur. Une sorte d’écrin pour ses pépites.

Cela peut paraître simple de créer un tel espace mais il y a des contraintes fortes. Il faut des matériaux correctement dimensionnés pour supporter le poids des bouteilles. Et puis il faut de quoi les conserver au mieux avec, notamment, une climatisation précise (autour de 12 degrés idéalement et avec de faibles amplitudes thermiques).

Evan a bien fait d’investir. Il a de bien trop belles bouteilles que pour ne pas avoir de quoi les conserver au mieux.

La carte des vins du Gril aux Herbes est très soignée. On y côtoie les meilleures bouteilles (qui ont leur prix) et des bouteilles plus accessibles. Parfois je vais manger chez Evan en mode « bouteille normales » et budget normal donc.

Cette fois, c’était plutôt dans l’optique de se faire plaisir avec des vins exceptionnels. Voici donc quelques unes des grandes bouteilles, dont certaines quasiment introuvables, qu’Evan propose. Faire mieux sur Bruxelles, c’est très compliqué…presque impossible ai-je envie d’écrire.

Conclusion

Le Gril aux Herbes a résumé, indirectement, sa philosophie sur le mur de sa cave à vin 

Mais, il y manque deux plaques, les deux plus importantes : « Excellent » and  « Dishes ». 

Le guide Michelin est le seul maître dans la distribution de ses étoiles mais n’en avoir jamais décerné au Grill aux Herbes d’Evan est, au mieux, une erreur d’appréciation flagrante et au pire une façon de se ridiculiser.

Je pense qu’essayer Le Gril aux Herbes, c’est l’adopter. Il y règne probablement une alchimie entre les grands vins, les grands plats, la simplicité et l’ambiance conviviale. Je l’ai compris, les clients fidèles aussi….si vous ne connaissez pas encore, foncez et priez pour avoir une table de libre ! Le Gril aux Herbes restent en tout cas dans mon top 10 belge.


Lien vers le site web du restaurant

Evan Restaurants


D’autres repas au Gril aux Herbes d’Evan

21/09/2018 : https://www.passiongastronomie.be/2018/09/restaurant-legrilauxherbes-evan/

22/07/2017: https://www.passiongastronomie.be/2017/07/restaurant-grilauxherbes-evan/

12/08/2015 : https://www.passiongastronomie.be/2015/08/le-gril-aux-herbes/


Menu du Gril aux Herbes d’Evan

Velouté carotte-cumin
Rémoulade thon mayonnaise

Vitello Tonnato
Emincé de porcelet

Tomates crevettes

Artichauts en émincé, vinaigrette moutarde

Pata Negra

Rémoulade de tourteau, émincé de betterave, avruga

Calque de bar Ikéjimé, vinaigrette fruits de la passion
Anguille fumée, gelée de pommes vertes

Tartare de langoustine et caviar oscietre

Langoustine royale et son consommé d’étrilles

Langoustine en papillote et sa mayonnaise au wasabi

Homard, émulsion thermidor, haricots paimpol
Nem de gambas et sauce aigre douce

Turbot, caviar

Purée Robuchon

Boeuf Black Angus Onyx

Wagyu N°8 Blackmore

Béarnaise


Localisation du Gril aux Herbes d’Evan

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Quelques photos au Gril aux Herbes d’Evan

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