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Un repas d’exception par Vincent Gardinal au Prieuré Saint-Géry

Un repas d’exception par Vincent Gardinal au Prieuré Saint-Géry

Le restaurant le Prieuré Saint-Géry du chef Vincent Gardinal est une adresse que je ne présenterai plus. Je connais cette maison depuis plus de 15 ans et c’est une véritable histoire d’amour qui me lie à elle. J’ai déjà écrit de nombreux articles à son propos (le dernier étant ici) et il prend dans mon coeur une place toute particulière.

Personne ne sera donc étonné d’y savoir que j’y ai fait hier mon quatrième repas de l’année, ce qui est un record pour ceux qui connaissent mes habitudes de prospecteur du plus grand nombre possible d’adresses.

Mais cette fois-ci, c’était pour une occasion particulière : la réalisation d’un rêve.

Il m’est souvent arrivé d’imaginer quel pourrait être le plus grand, le plus beau et le plus extraordinaire repas possible.

Je pense qu’il serait composé d’un plat « coup de coeur » de chacun des restaurants de mon top 10.

Evidemment un tel repas serait impossible à organiser. Que faire alors ?

Le plus extraordinaire des repas

Pour réaliser ce repas de rêve, j’ai donc choisi une autre voie : choisir les produits (de saison) les plus luxueux et les plus rares dont je raffole.

Etonnement il n’y a pas tant de noms que cela qui se bousculent dans ma tête à part caviar, truffe blanche, turbot,
Saint-jacques, langoustines et de vraies sauces gourmandes.

Le plus grand repas doit aussi se faire dans un endroit emprunt d’une âme, cosy et où le service se décarcasse pour le bien être du client. Un endroit où on sait « recevoir » et où le client n’est pas qu’un simple portefeuille sur pattes.

L’excellence appellent l’excellence, le Prieuré Saint-Géry s’imposait. Outre la magnifique décoration refaite de fond en comble l’année passée, le service d’Audrey Lambrechts s’y distingue. Que ce soit pour son professionnalisme ou pour son sourire, on est toujours entre de bonnes mains, on se sent mis en valeur et on se sent chouchouté.

Le plus grand repas nécessite les plus grands produits

Certains chefs se distinguent en travaillant leur image télé-visuelle (plus que leur cuisine parfois). Certains autres se distinguent eux en changeant de style cuisine comme de chemise, passant du moléculaire au 100% de mon jardin et puis en repartant vers un style à la mode genre Quique Dacosta.

Parfois des chefs s’illustrent par une technique japonisante unique au service du goût (comme David Martin à La Paix). D’autres se démarquent avec des plats terroirs uniques (comme le champion du monde de pâté croûte Karen Torosyan au Bozar).

Enfin il y a ceux qui se distinguent par une véritable identité au service de la quête de perfection (Bon Bon de Christophe Hardiquest, La Villa in the Sky d’Alexandre Dionisio ou le Sea Grill d’Yves Mattagne).

Et puis il y a ma Madeleine de Proust, le Prieuré Saint-Géry de Vincent Gardinal, dont un des signes distinctifs fort est la qualité de ses produits. Car s’il y a bien une chose pour laquelle Vincent Gardinal est connu et reconnu dans le monde de la gastronomie, c’est la qualité de ses ingrédients.

L’exception a son prix

A menu exceptionnel, budget exceptionnel. La mode, actuellement, c’est de servir du maquereau ou des sardines. Sur des menus dans les 70 euros, cela ne me pose pas de problème de retrouver ces produits à 8€/kg. Sur des menus qui dépassent 100 euros, j’avoue que ça m’énerve.  Et sur un menu d’exception, il ne m’en faut pas !

Les bons produits, ça coûte cher. C’est pour cela qu’on trouve de moins en moins de turbot, de sole, de Saint-Pierre, de langoustines…dans les menus. Et, quand on en trouve, ce sont souvent de petits calibres.

Ces petits qualibres sont bien sûr servi pour une question de prix (c’est beaucoup moins cher) mais pas que. Il y a aussi une question de capacité d’approvisionnement. L’exception, le produit de qualité, ne se trouvent pas tout le temps.

Et même s’il est pêché et proposé à la vente, il n’est pas pour autant acheté par les distributeurs. Sachant qu’il est difficile d’écouler ces produits (le prix du plat flambant en conséquence), les distributeurs ne prennent pas le risque de les acheter. Imaginez si le distributeur ne parvient pas à revendre son turbot de 10 kg : 600 euros de perdu.

Le plus grand des menus ne s’improvise pas

Un grand menu prestige se prépare bien à l’avance. Le chef doit alerter les fournisseurs pour que ces derniers soient aux aguets des pépites qui pourraient se présenter. Vincent Gardinal est parfait pour cela. Il a ses contacts et ses contacts connaissent son degré d’exigence. Quand il leur dit qu’il veut l’exceptionnel, c’est une pression maximale qui leur est mise puisqu’il travaille déjà régulièrement les très beaux produits.

Résultat des courses : Vincent Gardinal nous a déniché de la bombe. Le menu d’exception qu’il nous a proposé s’est donc composé de :

Le caviar et l’avruga – snobisme ou luxe ?

Ce repas d’exception, c’était aussi l’occasion de s’amuser autour des « caviars » : l’occasion de joindre l’utile à l’agréable. 

Combien de fois n’a-t-on pas entendu au restaurant « caviar avruga ». J’avoue que, même si le terme caviar peut être accouplé à celui d’avruga, je la ressens cette expression comme une tentative de faire croire au client qu’on lui sert les précieux et très chers oeufs d’esturgeon.

Outre cet aspect sémantique, le produit avruga me déplait avec son goût poissonneux grossier et cette finale fumée trop forte pour être honnête. Tout comme me déplaise les autres produits bas de gamme comme les oeufs de lompes ou le tobiko.

D’un autre côté, on pourrait aussi penser que manger du caviar, c’est le snobisme pur et dur de ceux qui ne trouvent bon que les produits qui sont chers (l’équivalent des buveurs d’étiquettes appliqués à la gastronomie).

Une dégustation à l’aveugle

D’où cette idée : déguster et comparer à l’aveugle six produits dont trois vrais caviars et l’avruga si répandu dans la gastronomie belge:
– Royal Belgian Caviar Gold Oscietre (environ 1330€/kg TVAC prix particulier)
– Caviar Persika (environ 1355€/kg TVAC prix particulier)
– Caviar Baeri (environ 1180€/kg TVAC prix particulier)
– Tobiko (oeuf de poissons volants – environ 112€/kg)
– Oeufs de lompes (environ 40€/kg)
– Avruga (environ 100€/kg)

Pour cette occasion, Vincent Gardinal nous avait préparé quelques accompagnements. Car outre l’aspect dégustation à l’aveugle, il y avait aussi ensuite l’aspect gourmand à apprécier les meilleurs avec des oeufs de caille, des gaufres maisons, une espuma de pomme de terre, des toasts beurrés, des galette de pommes de terre,… 

22 personnes ont participé à ce test à l’aveugle (test non sponsorisé et totalement indépendant : chacun a cotisé sa part pour que le caviar soit acheté). Trois points furent attribués par chacun à son ingrédient préféré, deux points au second et un point au troisième.

Résultat des courses, un quasi sans faute avec les trois caviars faisant la quasi unanimité:
– 54 points au caviar Persika
– 38 points au caviar Royal Belgian Caviar Gold Oscietre
– 37 points au Caviar Baeri
– 2 points au oeufs de lompes
– 1 point à l’avruga

Le retour des plats en cuisine étaient éloquents. Servi en grosse quantité, tout le caviar fut englouti…le reste n’ayant été qu’effleuré au moment du test. 

Maintenant on ne regardera plus le caviar et l’avruga de la même manière et on sait que le caviar n’est pas du snobisme. C’est réellement un produit d’exception. Ira-t-on jusqu’à mettre plus de 1000€/kg ? Chacun est libre de choisir.

Et les vins dans tout ça ?

Ceux qui me lisent régulièrement le savent : ma passion première, c’est le vin. Un menu d’exception ne pouvait se concevoir sans des vins d’exception.

Comme souvent, les menus font la part belle aux produits de la mer. Les blancs dominent donc naturellement. Et une belle sélection de blancs se doit de parcourir les grandes régions et d’y choisir le(s) meilleur(s) producteurs.

Notre sélection de rêve (un rêve toutefois limité par l’aspect budgétaire et l’aspect capacité à trouver trois bouteilles les mêmes) fût donc celle-ci.

Le champagne

– Champagne Jacquesson Cuvée 738 : comme toujours une belle réussite pour cette cuvée d’entrée de gamme. Un champagne au goût vineux avec une belle structure et une relativement forte expression aromatique.
– Didier Dagueneau Pur Sang 2010 : un sauvignon merveilleux d’équilibre et de fraîcheur en provenance du plus grand domaine du Pouilly-Fumé (et de la région de Sancerre). Du grand art. J’en viens à me demander si Pur Sang n’est pas supérieur à Silex…du moins quand ils sont si jeunes.

Les blancs

– Meursault 1er Cru « Goutte d’Or » de Buisson-Charles 2013 : un vin dont l’élevage se montre assez élégant. La trame est celle d’un classique grand chardonnay Bourguignon avec un boisé relativement discret (relativement à ce qu’on fait en général en goutte d’or)

– Jeroboam Kreydenweiss Grand Cru Wiebelsberg 2009 : un vin merveilleux qui rappelle à quel point les riesling donnent des vins qui vieillissent admirablement. On y retrouvait entre autre une minéralité bien tranchante (sans être pétrolée à l’excès)

– Chablis Dauvissat 1er Cru La Forêt 2009 : Avec Raveneau, ce sont les deux plus grands domaines sur Chablis. C’est un beau vin qui met bien en avant son terroir et qui procure beaucoup de plaisir.

– Clos Rougeard Brézé 2010 : mon domaine préféré de Loire dans sa seule cuvée de blanc. Une cuvée assez rare et difficile à trouver (je suis preneur si certains en ont à vendre à prix décents). Pour moi le plus grand blanc de la soirée : riche, tranchant et dense. Un vin de repas qui tient la route sur un plat avec de la truffe blanche. Mieux que cela : un vin qu’on dirait être né pour être bu avec la truffe blanche.

– Hermitage Betton Blanc 2013 : un bon vin à base de Marsanne avec des arômes riches d’abricots.

– Peyre Rose ORO (blanc) 1999 : un blanc aux arômes oxydation : parfait pour être bu sur du fromage.

– Corton Charlemagne Rapet 2012 : On peut ne pas aimer le vigneron mais force est de reconnaître que ses vins sont très bien équilibrés et, eux aussi, finement boisés. Un grand bourgogne !

– Domaine Bertagna 1er Cru les Cras 2005 Blanc. La déception de la soirée : deux bouteilles bouchonnées et une oxydée.

Les rouges

– Cahors Blackwine 2001 de chez Triguedina : un vin difficile et pas vraiment apprécié par les tables : trop dense, trop riche, trop épais. Il faut dire aussi qu’aucun plat du menu n’aurait pu s’accorder avec ce vin.

– Côte-Rôtie Fructus Voluptas Jamet 2014 : une des côtes rôties d’un des plus grands du Rhône Nord. Une syrah magnifique fortement axée sur le fruit. Très bon à boire déjà maintenant, le vin se montre gourmand et croquant.

– Château Rayas 2006 rouge : on ne présente plus le plus grand Chateauneuf-du-Pape. Les amateurs le savent et le constatent : les prix explosent dans les ventes aux enchères. Sur ce vin, je ne sais que penser. Rayas me séduit quand il « pinotte ». Ici, on y est pas encore (peut-être trop tôt ?). On est plus typé sur un vin du Rhône sud avec des arômes riches et un rien évolués (cuir, guarrigue).

Aïe : un souci de bouteilles

C’est aussi dans ce genre de circonstances qu’on distingue les grands restaurants des autres. Il est clair que je ne connais (heureusement pour moi) aucun restaurant qui refuserait de remplacer une bouteille que j’aurais déclarée bouchonnée.

Mais par contre qu’en est-il d’un vin oxydé ? C’est délicat. Car d’un côté tout amateur connait le risque de tomber sur un tel vin quand on va chercher un vin blanc qui a de l’âge, fusse-t-il en provenance d’un grand domaine.

D’un autre côté un vin oxydé n’est en général pas du tout ce qu’un client a envie de boire.

Au Prieuré Saint-Géry, pas besoin de discuter. Le restaurant était dans l’impossibilité de remplacer ces vins (nous avions pris les trois dernières) mais, sans qu’on aie rien à demander, ils les ont été retirées de la note.

Mieux encore : nous avions dit que nous conservions la bouteille oxydée pour la mettre avec les fromages. Et nous l’avons bue avec d’ailleurs. Il n’empêche que le restaurant n’a pas compté la bouteille.

Un repas de rêve ne se fait jamais seul

Il manquait encore un ingrédient pour ce repas de rêve et c’est sans doute le plus important d’ailleurs. Des amis, de vrais amis qui partagent la même passion. Merci donc aux participants pour leur joie, leur bonne humeur et pour ce beau moment de partage.

En conclusion

Le Prieuré Saint-Géry était décidément l’adresse qu’il nous fallait pour ce repas de rêve et Vincent Gardinal nous a, à nouveau, démontré tout son art et toute sa science des produits. 

Malgré le grand nombre de convives et malgré des produit hors normes pour lesquels tout le monde manque de repères pour la cuisson, il a démontré qu’il était un vrai chef pour s’en sortir.

Vincent Gardinal nous a reçu comme un ami vous reçoit. Ce chef est un chef généreux au grand coeur. Et quand il aime, il ne compte pas. Sensible à la démarche de vrais amateurs de bonnes choses, il s’est plié en quatre, a pressuré ses fournisseurs et nous a sorti ce qu’il y a de plus prestigieux. Et il l’a fait par amour de son métier, par amour de ses produits et pour faire plaisir. Car Vincent Gardinal tire sa force et son plaisir dans les regards emprunts de bonheur de ses clients.

Audrey Lambrechts, en salle, est la moitié parfaite qu’il faut pour compléter la cuisine de cette belle maison.

Le Prieuré Saint-Géry est indéniablement le roi de la Wallonie !

MENU

Dégustation de caviars et ses accompagnements

Saint-Jacques crues, chantilly, caviar Baeri, émulsion cresson/huître, radis

Saint-Jacques, pomme de terre légèrement fumée, artichaut, mimolette, consommé

Grosse langoustine, cèpes, persil , jus de carcasse

Turbot breton, chou vert, salsifis, sabayon échalote-vin jaune

Velouté fin de châtaignes, crémeux de faisan, truffe blanche

Poitrine de coq faisan, pieds de porc, foie de canard, poire marinée, oignon glacé à la Kriek

Le chariot de fromages

Dessert autour de la pomme, mousse caramel, glace vanille

Granité cacao, crémeux chocolat, gâteau passion, meringue


PHOTOS


LIEN

www.prieurestgery.be/

 

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