Voyage dans le Rhône Nord 2018

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Voyage dans le Rhône Nord 2018.

Ce week-end, des professionnels du monde du vin chez qui je suis client (Terroir Divin des trois mousquetaires Anthony Secundo, Ludovic Renouprez et Maxime Seront) m’avaient proposé de les accompagner pour leur weekend professionnel dans la vallée du Rhône Nord. Le genre de proposition qu’on ne peut pas refuser et que je me suis empressé d’accepter d’ailleurs.

Jour 1 – une halte en Bourgogne.

Tain-l’Hermitage, c’est loin de la Belgique. La Bourgogne est si belle et puis il faut prendre des forces. Un arrêt à Nuits-Saint-Georges s’imposait donc. Dans ce charmant village, le restaurant de référence est incontestablement La Cabotte. C’est d’ailleurs dans ce restaurant que je mange à chacun de mes passages.

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La carte des vins, un élément hautement important pour moi, permet de s’amuser. Elle contient, bien sûr, énormément de bourgognes.

Pour démarrer donc, un Puligny-Montrachet de chez François Carillon. Le nez dégage des arômes légèrement brulés, la bouche est fine et un peu boisée. Il manque juste un peu de longueur en bouche. Un premier cru aurait peut-être été plus en adéquation avec nos attentes qualitatives.

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La cuisine de la Cabotte est intéressante : bien faite et centrée en grande partie sur les produits de la région, elle vise l’essentiel et  fait plaisir comme par exemple avec ce feuilleté, escargots, morilles et vin jaune 

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Pour accompagner le plat, un bourgogne, rouge cette fois : le Chambolle Musigny 2013 de chez Mugnier, un vigneron qu’on ne présente plus. Hélas, même les grands ne font pas toujours du « grand » et c’est encore plus vrai quand on en se limite à un vin « village ». Trop  léger et presque insignifiant même, on n’a pas eu l’impression d’en avoir pour notre argent (150 euros à la carte). Avec le recul, on aurait mieux fait d’écouter le serveur et de prendre son équivalent chez Roumier.

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David Duband, vigneron aux trois étoiles à la RVF.

La véritable raison de cet arrêt en Bourgogne n’était pas de manger. C’était surtout une dégustation chez David Duband à Chevannes. On ne présentera plus David Duband, vigneron couronné de trois étoiles à la RVF.

Pour cette dégustation, David Duband avait préparé « quelques » bouteilles de 2016, un millésime où les quantités seront réduites à cause des aléas climatiques. Il faudra donc se limiter dans ses achats.

 

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David Duband, c’est un personnage. Déguster avec lui, c’est l’assurance de passer un moment de franche rigolade. Je me souviendrai, entre autre, du moment où il a décroché son téléphone et a dit à son épouse : « Rappelle moi de changer ta photo sur mon téléphone car, quand tu m’appelles, elle apparaît et mes petits belges ne savent plus se tenir ».

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Le style des vins de David Duband.

Les vins de David Duband sont assez bluffants. C’est un style qu’on aime ou pas. Personnellement j’en suis fan depuis des années et j’achète ce que je peux chez lui. Ses vins se révèlent et peuvent être caractérisés d’aériens, ce que j’aime en particulier. Le style plus terrien me plaît en effet moins. Les vins sont clairs, limpides et nets. La vendange entière, qui leur donne une trame tendue, y fait merveille avec une particularité : contrairement à ce que l’on pourrait penser, le vin se montre moins acide étant donné que la rafle contient du potassium ce qui neutralise l’acidité.

L’apothéose de cette dégustation fût incontestablement le Charme-Chambertin 2016. Un tout grand vin, disponible en très petite quantité (maximum 3 bouteilles), qui a littéralement « charmé » le groupe.

Beaune et le restaurant Ma Cuisine.

Déguster, cela donne faim…..et soif :-). Donc direction Beaune.

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Il y a, là-bas, une adresse que les amateurs de vins se refilent presque sous le manteau : le restaurant Ma Cuisine. 

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C’est en effet, assurément, la plus belle carte des vins de la région.

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Il fût un temps où les prix de cette carte des vins étaient raisonnables, limite dérisoires. C’était alors le paradis.

Maintenant, cela serait plutôt comme aller au salon de l’auto pour admirer les carrosseries des beaux bolides : on peut regarder mais pas toucher sauf si on a le portefeuille bien rempli.

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En pareil cas, il faut user de stratégie. C’est dommage mais nous voilà contraint de sortir de la Bourgogne et de ses vins rares et spéculatifs pour choisir dans d’autres régions. Trevallon déçoit rarement et se montre même souvent magnifique après 20 ans de vieillissement (comme j’avais pu déjà le constater lors d’un repas chez Lemonnier). Ce Trevallon 1996 n’a pas failli à cet axiome : ses arômes de sous-bois et de champignons avec une note finale un peu tellurique nous ont régalés. 

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Point de vue des assiettes, Ma Cuisine alterne le bon et le moins bon. Les oeufs en meurette, à 13 euros, sont très intéressants et parfaitement réalisés avec un jaune coulant et une sauce au vin goûteuse. 

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L’entrecôte de Black Angus, facturée 35 euros pour une portion relativement petite et une viande trop mince, s’est par contre montrée très décevante (et pour ne rien arranger, ses accompagnements aussi).

Jour 2 – Le marché aux vins d’Ampuis.

Le second jour de ce voyage fût consacré principalement au marché aux vins d’Ampuis, l’antre des vins de Côte-Rôtie.

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Tous les plus grands vignerons y sont représentés et y font déguster leurs dernières cuvées, principalement des 2015 car peu de vignerons ont mis leur 2016 en bouteille.

Marcel Guigual, qui a tant fait pour développer Côte-Rôtie avec le succès qu’on lui connait, était lui aussi présent (ainsi que son fils) Cela montre bien toute l’importance de ce salon.

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Il est vrai aussi qu’Ampuis, et son magnifique château restauré avec beaucoup de goût, est le fief de la famille Guigal.

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Le plus marquant cette année, ce fût l’affluence du public ! Habituellement les jours de semaine sont assez calmes. Mais ce matin-là, c’était le rush. Pour entrer, il fallait compter une file d’attente de vingt minutes et les allées étaient densément peuplées.

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Il y avait même un coin du salon quasiment inaccessibles : celui du vigneron Gangloff. La foule y était particulièrement dense, sur plusieurs rangées, et pouvoir y déguster un vin était chose compliquée. Cela nécessitait une stratégie dans le positionnement, des coudes solides et beaucoup de patience.

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Tous les clients savaient très bien que, dans moins de deux heures, il n’y aurait plus une seule Sereine noire à vendre. Alors cela se bousculait, cela poussait et les cartes bleues chauffaient.

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Des Côtes-Rôties, j’en ai goûté pas mal, en ce compris celles d’Yves Gangloff. En tout et pour tout, j’ai dégusté probablement une quarantaine de cuvées.

Il y a deux vignerons dont les vins m’ont marqué.

Tout d’abord Bernard Faurie qui, pour l’occasion, avait ressorti un Hermitage 1999. Non seulement cette cuvée est un grand vin, typique de ce que le terroir de l’Hermitage peut donner à ceux qui se sont montrés patients, mais en plus son prix est raisonnable : 48 euros. C’était l’affaire à faire et je l’ai faite (hélas l’achat était limité à trois bouteilles par personne).

Ensuite celui qui produit, selon moi, les plus grandes Côtes-Rôties : Jean-Paul Jamet. Alors bien sûr on ne déguste pas, au stand, la célèbrissime Côte-Brune ni même la Côte-Rôtie que j’aime tant et que j’encave depuis quelques millésimes. Mais on peut y déguster les Côtes-du-Rhône, un des meilleurs rapports qualité-prix de ma cave privée et des vins que j’aime déguster en attendant que mes Côtes-Rôties soient à point. Je regrette d’ailleurs d’avoir écrit cela car il n’est pas facile d’en acheter.

Les participants du marché aux vins.

Le marché aux vins d’Ampuis, c’est aussi l’occasion de croiser et de disserter avec des journalistes, des blogueurs ou de simples passionnés ds vins. Nous avons croisé, notamment, Olivier Poussier (meilleur sommelier du monde en 2000 et journaliste de la RVF), Antoine Gerbelle et Christian Martray (ventes privées et journaliste de la RVF) en photo ci-dessous.

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Une des questions qui taraude les amateurs des vins, c’est la spéculation autour des grands domaines. Certains vins sont devenus littéralement introuvables et impayables. On pense toujours avoir atteint les sommets et les limites mais les prix ne font que monter, monter et monter encore. Est-on dans une bulle ? C’est la questions que les spéculateurs se posent. Est-ce qu’on pourrait retrouver des prix décents et est-ce qu’on pourrait arriver à acheter ces vins pour les boire (et pas pour se faire de l’argent dessus) ? C’est la question des passionnés comme moi. Chacun a son idée. La mienne est que, avec la répartition toujours plus inégale des fruits de la croissance, il y a de plus en plus d’ultra-riches pour lesquels les prix ne comptent pas. 

Dégustation au domaine du Colombier

Au marché d’Ampuis, on fait parfois des rencontres amusantes et un peu improbables comme par exemple des jeunes sommeliers en formation au lycée hôtelier de Tain-l’Hermitage. Nous avons donc emmené ces petits jeunes avec nous au domaine du Colombier pour une dégustation sur fûts.

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La plupart des oenophiles qui consacrent une partie de leur vacances à visiter des domaines ont l’habitude de déguster des vins en bouteille et sur des millésimes à vendre. Mais, pour les professionnels, il y a en plus une autre dégustation : celle sur fûts avec des prélèvements à la pipette.

Déguster sur fûts est une expérience différente. Il y a deux complexités supplémentaires difficiles à surmonter par les néophytes.

Tout d’abord il faut réussir à faire abstraction des arômes de vinification, de fermentation et d’élevage comme par exemple la réduction, la volatile,…Les vins ne sont pas finis et ne montrent qu’une partie de ce qu’ils seront. Parfois même, certaines fermentations ne sont pas finies et il peut rester un peu de sucre qui se transformera en alcool quand la fermentation reprendra au printemps.

La seconde difficulté, c’est de goûter les vins rouges frais. Ils sont en effet, en hiver, à une température autour des dix degrés. Ils sont donc moins explosifs que ce qu’ils donneraient à leur température habituelle de service.

Mais ce qui est magnifique avec la dégustation sur fûts, c’est lorsqu’on perçoit la richesse et la diversité des parcelles : certaines donnent des vins frais, d’autres des vins plus riches. Les fûts, selon le tonnelier, et la chauffe, peuvent aussi influencer. Il est didactique de comprendre, par la dégustation, comment le vigneron décide de la façon dont il composera ses assemblages pour sortir sa ou ses cuvées.

Un souper au restaurant Mangevins à Tain-l’Hermitage.

Il y a quelques adresses sympas à Tain-l’Hermitage et ses environs. On n’est évidemment pas très loin de chez Anne-Sophie Pic (3 étoiles Michelin) et pas trop loin de quelques autres belles tables étoilées. Mais, si on veut rester plus raisonnable en budget (sans pour autant baisser forcément en qualité), le restaurant Mangevins est la belle adresse. Injustement notée 10/20 par Gault & Millau (ça vaut plus, beaucoup plus), les plats sont précis, droits et avec des influences japonaises que j’adore tant.

La cheffe Keiko Yamada Dollat, passée par la maison Pic, assure. Elle travaille de beaux produits, comme ces magnifiques ravioles de langoustines et truffes, et les cuissons et assaisonnements sont remarquables.

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Il y a un autre avantage au Mangevins. Pour une fois, ce n’est à sa carte des vins que je pense. Logique : il n’y en a pas (ce qui est peut être ennuyant d’ailleurs). Je pensais plutôt  au patron-sommelier : Vincent Dollat. Vincent connait bien les vins de sa région et il connait ses clients. Il avait d’ailleurs songé, pour nous, à quelques belles étiquettes : Condrieu de Rostaing, Hermitage blanc de Chave,….. Mais on avait envie d’autre chose et on avait surtout envie de bénéficier de son expérience. Le Mangevins, c’est l’endroit pour faire des découvertes. Parmi celles-ci figure assurément le Saint-Peray Gemini de Julien Cécillon.

Pour accompagner la viande, on avait envie d’un Hermitage à point et on avait songé à un Hermitage 2005 du domaine du Colombier de Florent Viale. Non seulement Florent venait de nous enchanter au domaine mais en plus, c’est un vin qui s’était révélé magnifique lors du repas de l’année précédente. Hélas, ou plutôt tant mieux pour Florent Viale car cela veut dire que ses vins plaisent autant aux clients du Mangevins qu’à nous, il n’y en avait plus. Vincent Dollat a donc eu comme mission, de la plus haute importance, de nous trouver quelque chose d’au moins aussi bon….à servir à l’aveugle bien évidemment.

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Et là, boum ! La Chapelle 2006 (que j’avais vu en vente au marché d’Ampuis le matin même dans les 100 euros) de chez Jaboulet. C’est une cuvée que j’avais déjà eu l’occasion de déguster plusieurs fois (à chaque fois des millésimes antérieures au rachat par Caroline Frey). Je n’avais jamais été convaincu et j’avais rangé ce domaine dans la catégorie de ceux « à laisser pour les buveurs d’étiquettes ». Mais la dégustation à l’aveugle de bouteilles sélectionnées par un autre en qui on peut avoir confiance a ceci d’intéressant : cela permet de faire bouger ses positions et ses convictions.

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Pour terminer tranquillement le repas et rester frais pour la grande journée marathon du lendemain, rien de mieux qu’une petite bulle désaltérante qui m’a replongé dans un repas en 2013 au Chalet de la Foret où j’avais bu pour la première fois cette bouteille.

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Jour 3 – Le marathon des dégustations.

Au programme du jour, dégustation chez trois vignerons et deux repas dans deux restaurants : La Ruche et Le Chaudron.

Le domaine Auguste Clape.

Le premier vigneron a nous faire l’immense plaisir de nous recevoir c’est Pierre Clape. J’entendais toujours dire que le domaine Clape faisait des vins sûrement aussi grand que ceux de Jean-Louis Chave et que leur longévité était exceptionnelle. Je n’avais aucune raison de douter de ces affirmations, émanant de personnes en qui je place ma confiance, mais je n’avais jamais eu l’occasion de le vérifier.

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Les caves du domaine Clape sont incroyables. On a l’impression, et ce n’est sans doute pas qu’une impression, que rien n’a changé depuis qu’Auguste a cédé les clés du domaine à son fils Pierre.

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Le plus impressionnant, au point de vue visuel, c’est le stock des vieilles bouteilles et leur couche protectrice qui les recouvre. Les bouteilles, qui avaient été étiquetées à l’époque, ont vu leur étiquette vieillir au point qu’on ne sait plus lire les millésimes sur certaines. Heureusement que Pierre Clape a minutieusement dressé un plan de rangement de sa cave personnelle et qu’il sait où retrouver chaque millésime.

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Les vins du domaine Clape sont des vins taillés pour la garde. L’élevage dure d’ailleurs 24 mois et la cave contient donc deux millésimes en même temps : 2016 et 2017.

Jeunes, les vins ne sont pas faciles à boire car les tannins sont un peu durs. C’est sans doute le prix à payer pour des grands vins qui tiendront dans le temps. Le 1987, qui a clôturé la dégustation, s’est révélé grandiose avec ses arômes fumés et son équilibre parfait entre matière et fraîcheur.

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Pierre Clape ne s’est pas trompé dans le choix du millésime à faire déguster. Il faut dire que pour fêter la fin de l’an 2017, il avait remonté le temps, par pas de dix ans, en buvant  2007, 1997, 1987, 1977 et 1967. Selon ses dires, la plus grande bouteille de la soirée fût le 1967. Je n’ose imaginer ce que cela devait donner vu la qualité du 1987 qu’il nous a servi.

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Pierre Clape ne fait pas seulement des grands vins. Sur un plan personnel, c’est un vigneron discret, humble et un vigneron qui, au contraire de certains autres, ne dit jamais de mal de ses collègues.

Les vins m’ont littéralement séduits. J’en veux, j’en veux et j’en veux encore dans ma cave. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire. Ses vins sont rares, encore plus depuis que Parker lui a décerné la note de 100/100 sur une cuvée de Cornas 2010. Pierre Clape est débordé de demandes, il n’a rien à vendre et j’ai pu mesurer la chance que j’ai eue d’accompagner un de ses importateurs lors de sa prospection professionnelle. Sans cela, je n’aurais probablement jamais franchi la porte ni fait cette rencontre incroyable.

Les cornas de Johann Michel.

Johann Michel vient se sortir une toute nouvelle cuvée : la cuvée de la mère Michel. Un baptême, c’est une fête…mais bon, il faudra explique  à Terroir Divin que ce n’est pas la porte du domaine qu’il fallait baptiser avec la bière belge 😉 Cette anecdote, dont on rit après coup, restera gravée dans nos mémoires.

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La cuvée grains noirs (les jeunes vignes et les vignes de plaine) a monté en gamme notamment grâce à un élevage sur fût. Le Saint-Joseph, légèrement réduit car en phase de vinification, donne un vin plus en finesse. Le Cornas 2017 a des tannins un peu plus fermes que sur 2016 (le manque d’eau a donné des grains plus petits avec des charges tanniques plus importantes) mais cela reste bien maîtrisé. Choisir entre les deux millésimes est plus une histoire de goût personnel que de qualité.

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La cuvée Jana est issue d’une parcelle ultra-pentue sur Chaillot et très densément plantée. C’est clairement la cuvée la plus fine, la plus suave. Un vin qui est bien parti pour la garde.

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La cuvée de la mère Michel, une cuvée très jeune et produite en très petite quantité (un seul fût), est faite à partir d’une sélection massale de Serine de chez Cuilleron. Une cuvée à suivre de près.

En prime, pour égayer la dégustation, une petite exposition d’art est proposée sur les murs et entre les tonneaux. Au centre, sur le piquet, c’est bel et bien une oeuvre d’art. J’ai encore du mal à croire que ce n’était pas une blague d’ailleurs mais il faut dire que je suis peu réceptif à une certaine forme d’art.

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Un repas de midi au restaurant La Ruche.

A 13h, il était temps d’aller manger. Direction le restaurant La Ruche à Saint-Péray en bonne compagnie : Guillaume Gilles du domaine éponyme et Florent Viale du Domaine du Colombier.

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La cuisine de La Ruche est assez bonne : plutôt simple, efficace et gourmande en terme de quantité et de goût. 

En entrée, jambon beurre à notre façon, cécina, oeuf mimosa, légumes croquants aux graines de moutarde.

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En plat, du filet de barbue en cuisson douce, crémeux de chou-fleur fumé, pomme granny-smith, émulsion beurre de homard.

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Encore tout excité par la dégustation du matin, il était impossible de faire l’impasse sur ce merveilleux Cornas 2002 de chez Clape : un vin qui a, à nouveau, confirmé que Clape est un grand maître des Cornas et que ses vins sont des vins de garde.

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Pour terminer en apothéose, une visite au domaine Gonon.

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Le domaine Gonon, à Saint-Joseph, c’est la star de cette AOC. Couronné par trois étoiles à la RVF et une fois numéro un suite à une dégustation à l’aveugle des vins de l’AOC, ils sont fort recherchés par les amateurs. D’ailleurs l’importateur belge ne les vend qu’au compte-goutte. Bien que client chez cet importateur depuis des années (sur d’autres vignerons, il est vrai), je n’ai pu acheter que deux bouteilles de 2015. Ce n’est pas de la mauvaise volonté de sa part mais il est littéralement assailli du monde entier, par un grand nombre de ses clients et il essaie de faire plaisir un peu à tout le monde.

Les frères Gonon, Pierre et Jean, font peu de cuvées :
– un peu de vin de pays avec les jeunes vignes
– un Saint-Joseph blanc
– un Saint-Joseph rouge
– une cuvée confidentielle, uniquement certaines années, avec des vieilles vignes
– une cuvée ultra-confidentielle, car en volume très réduit, avec du chasselas

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Certains vignerons aiment isoler leurs meilleures parcelles pour faire une cuvée haut de gamme vendue plus chère. L’approche est séduisante, en particulier du point de vue financier. Mais il y a un aspect auquel on ne pense pas toujours : en faisant cela, on risque de déforcer les autres cuvées. C’est logique : si on enlève le meilleur de l’assemblage, la qualité s’en ressent. Le domaine Gonon préfère, au contraire, garder une qualité optimale de leur cuvée normale. Et la dégustation prouve à quel point ils ont raison !

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On ne peut comprendre les vins du Domaine Gonon sans comprendre les hommes qui sont derrière. Deux frères respectueux de leur terroir. La culture bio fût naturelle pour eux. Ce n’est pas une mode qu’ils ont décidé de suivre et ce n’est pas non plus une charge pour eux : c’est une façon d’être au quotidien et la continuité d’un mode de vie.

Pierre et Jean Gonon sont aussi des enfants de la terre. Ils ne font pas partie de ces « flying » vignerons qui consacrent leur temps à faire la promotion commerciale de leurs vins. Ces sont des artisans au sens noble qui ne reculent pas devant le travail. Ils maçonnent eux-même leurs murets et travaillent leurs vignes. Un de leur voisin, qu’on a rencontré, nous avait d’ailleurs raconté, très admirativement, qu’il les croisait souvent dans leur vigne la pioche à la main pour travailler leurs sols.

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Les vignes sont chouchoutée et bichonnées. Par exemple, on ne rogne pas la tête des vignes pour ne pas les abîmer ni couper trop abruptement leur vigueur. Rogner est une méthode facile : si une machine peut passer, c’est vite réglé. Au pire, on le fait au sécateur. Au domaine Gonon, on préfère courber la tête de la vigne et venir l’attacher sur le pied voisin. La vigne n’est pas abîmée et sa croissance se freine naturellement. Cette particularité, qui peut paraître anodine, est une exception dans l’AOC au point que, sur le plan visuel, les parcelles de Pierre et Jean Gonon se remarquent de suite et de loin.

Il est indéniable que toutes ces attentions et ce travail méticuleux des sols se ressentent dans les vins. Ils sont suaves, gourmands, fins et délicats. Il y a de la tension, de l’équilibre et de la finesse. Ce mot, finesse, est souvent employé pour caractériser un vin avec peu d’arômes et peu de complexité. Ici le mot finesse récupère ses lettres de noblesse.

Il y avait, dans le coffre de la voiture, une bouteille rare que j’espérais très belle. Les vins du domaine m’avaient séduit comme rarement et le moment passé avec Pierre Gonon me donnait la sensation d’avoir fait une belle rencontre, une rencontre rare. L’ouverture de cette bouteille me semblait donc le moment parfait pour sceller la fin d’un moment intense en émotions.

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Le vin ne fût sans doute pas à la hauteur du moment passé : d’une magnifique couleur brune, il dégageait des notes atypiques de champignons. La sucrosité, que j’espérais éteinte par le temps, apportait une douceur sympathique. 

J’ai donc rencontré, dans ce domaine, un vigneron que j’admire et que je respecte. En tant qu’amateur, un vin me procure toujours plus de plaisir lorsqu’il s’est passé quelque chose lors de la rencontre avec le vigneron. Les vins du domaine Gonon me sembleront donc, à l’avenir, encore meilleur qu’avant ma visite.

Le souper au Chaudron à Tournon-sur-Rhône.

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Si on va manger au restaurant Le Chaudron, c’est avant tout pour sa belle carte des vins : point de vue belles bouteilles et prix décents, c’est bingo ! De vieux Hermitages de Chave vendus à des prix inférieurs à ceux du marché, c’est une opportunité qu’on ne peut laisser passer et qu’on n’a pas laissé passer.

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Les vins de Jean-Louis Chave demandent parfois des décennies pour s’exprimer. Sur le millésime 2000, le nez est évolué et  typique de son terroir avec des arômes de boîte à tabac. La bouche est suave, acidulée et fraîche tout en étant, paradoxalement, assez riche.

Le plaisir est là : c’est un grand vin. On peut encore l’attendre mais voici un millésime qui se boit admirablement bien maintenant. Ce vin ne déçoit pas : c’est un mythe qui assure même si 2000 ne sera assurément pas son plus grand millésime.

Mais je suis convaincu qu’on peut trouver aussi bien, moins spéculatif et plus facile à acheter. Quelques noms de vins dégustés ce WE me viennent en tête.

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Une petite promenade dans les vignes pour conclure.

L’Hermitage, c’est plus que des vignes. C’est un paysage merveilleux avec, au centre le Rhône qui circule en ruban.

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Les vignes, plantées sur des zones abruptes, impressionnent. On se demande comment on peut travailler sur de telles pentes et on comprends pourquoi le travail est souvent manuel et les vins de l’Hermitage plus cher à l’achat que d’autres.

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Sur cette photo, la fameuse Chapelle Jaboulet à gauche.

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Tout autour de la chapelle, et de façon ironique d’ailleurs, on trouve non pas des vignes de Jaboulet mais des vignes de Chapoutier.

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Pour les initiés, on peut même se promener sur la route qui longe la maison du plus célèbre vigneron de la région : Jean-Louis Chave.

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Conclusion

Quel week-end, quels vins, quels vignerons, quel beaux moments de partage ! Dans ces moments-là, on sait qu’on est des privilégiés de la vie.

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2 Responses

  1. Xavier L

    Bonjour,

    Très beau reportage,

    Vous dites que vous n’aimez pas les vins terriens mais vous trouvez Trevallon tellurique, c’est pas un peu antinomique ? Ce que je ne peux que valider tant ce vin est difficile d’accès sans une bonne garde.

    Bien à vous,

    • PassionGastronomie

      Bonjour,
      Merci pour votre intervention et votre message.
      De fait, c’est un peu antinomique. Ce que je voulais exprimer, en parlant des bourgognes, c’est que je préfère un style aérien au style terrien. C’est une question de goût et pas du tout une hiérarchie. Cela reste donc une préférence, générale, et j’y trouve régulièrement des exceptions…..comme sur ce vieux Trevallon à parfaite maturité. Je partage en tout cas votre avis sur la nécessité de garde des vins de ce domaine. Au plaisir de vous lire.

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