Visite de domaines – Trevallon – Famille Dürrbach

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Domaine Trevallon – Famille Dürrbach

Le domaine de Trevallon…un vin atypique et en passe de devenir mythique. Chaque fois que j’ouvre une bouteille (exception faite du 2004 qui m’a déçu sur certaines quilles), je me fais cette réflexion : « Le jour où les chinois vont le découvrir, les vrais amateurs n’arriveront plus à en acheter ».

Domaine Trevallon - le domaine

Car on est proche, très proche de la spéculation. Il ne faudrait probablement quasi rien pour que la cote de ce vin explose et passe à plusieurs centaines d’euros la bouteille. C’est peut-être bien le prochain Coche-Dury, Romanée-Conti ou Clos Rougeard c’est-à-dire un vin que de vils financiers utilisent comme placement et ce au détriment des vrais passionnés. La seule chose qui nous protège un peu de ce risque, c’est que Trevallon est en « Indication géographique protégée Alpilles », une des moins prestigieuses appellations possibles.

Domaine Trevallon - la fontaine

Cela peut paraître paradoxal mais c’est le cas : le plus grand vin de Provence est vinifié en vin de pays. En fait, lors de la création de l’AOC Baux de Provence, Eloi Dürrbach (alors vice-président du Syndicat des vignerons des Baux) fût contraint de choisir entre se conformer à un cahier des charges aberrant (il aurait du arracher ses cabernets sauvignons car l’AOC interdisait 50% de ce cépage dans l’assemblage) ou ne pas être classé en AOC Baux de Provence. Résultat des courses : Eloi Dürrbach n’est pas classé dans l’AOC Baux de Provence mais Trevallon est bien plus connu que l’AOC elle-même. Trevallon est, littéralement, le roi de la région, le meilleur vin des environs et un des meilleurs vins de France. A tel point que, lors de la fête de l’AOC Baux de Provence à l’Oustau de Baumanière (2 étoiles Michelin, ex 3 étoiles), du Trevallon fût servi à table, ce qui fit grincer quelques dents de concurrents jaloux.

Ce vin est une véritable pépite et une exception. Assembler de la Syrah et du cabernet sauvignon, cela ne se rencontre pas souvent. Arriver à garder de la fraîcheur sous un soleil si dur, encore moins. Mais Trevallon y parvient, millésime après millésime. Il y a, dans les vins de Trevallon, cette combinaison parfaite d’éléments qu’on ne retrouve que chez les touts grands : un terroir, un grand vigneron et surtout une vision.

Domaine Trevallon - le nouveau chai

Le terroir : le domaine dispose de 17 hectares de vignes disséminées ici et là au milieu de la garrigue des Alpilles. Un travail énorme à la dynamite fût nécessaire pour réussir à planter la vigne. Ce n’est pas sans rappeler que les grands vignerons, une fois convaincus du potentiel d’une parcelle, ne reculeront jamais devant le travail, aussi titanesque fût-il, pour planter leurs vignes. Henri Jayer l’a fait sur le très célèbre Cros Parantoux. Eloi Dürrbach a fait de même dans les années 1973 à Trevallon.

 

La vision : précurseur et visionnaire, Eloi Dürrbach a pris deux paris fous :

  • Se positionner sur un vin haut de gamme avec un prix de vente largement au-dessus des concurrents de l’époque. Un prix de vente qui n’est jamais que le reflet de la qualité et du travail investi.
  • Faire un vin bio alors que les voisins arrosaient copieusement avec des molécules de synthèses, des molécules que des tests mettent encore parfois en évidence dans certaines analyses.

 

Le vigneron : Eloi Dürrbach est encore présent au domaine. Je l’ai d’ailleurs croisé à la réception. Son domaine, c’est sa vie et je pense qu’il y travaillera jusqu’à son dernier jour. Comme les grands vignerons, c’est aussi un homme qui aime le partage. Il a ainsi accueilli dans ses chais quelques grands noms à leur début (on pensera notamment à Laurent Vaillé de la Grange des Pères) et des jeunes de la région viennent encore régulièrement lui demander conseil.

 

Domaine Trevallon - les barriques

Mon avis est clair : je pense que ce vin est grandiose. Il est grandiose car c’est une valeur sûre. De millésime en millésime, on sait qu’on va pouvoir le boire soit de suite soit attendre dix ans avant de le re-goûter (entre les deux, il y a une phase de fermeture). C’est le vin de garde par excellence. Le vin que le temps développe et affine patiemment. Beaucoup de vendeurs vont diront que leur vin se gardera 10 ans ou plus afin de forcer la vente. Le dire, c’est facile. Mais y arriver, c’est autre chose. Avec Trevallon, je sais que je peux acheter et attendre 10 ans, voir 20 ans même. Le 1993 que j’avais dégusté il y a 6 mois était grandissime avec des arômes de truffes, de sous-bois et une grand finesse. Et pourtant il est considéré comme un des plus petits millésimes du domaine. Même « petit », Trevallon reste grand.

Domaine Trevallon 1993

Tout dernièrement je suis allé mangé chez le champion du monde du pâté croûte : le grand Karen Torosyan du restaurant Bozar Brasserie. Le but n’était pas de goûter son pâté croûte (je le connais par coeur) mais plutôt de tester sa nouvelle merveille : le pithiviers

Domaine Trevallon - Pithiviers du Bozar Brasserie

Ce plat d’une grande finesse gustative (contrairement à ce qu’on pourrait croire) et d’une grande technicité appelait un vin d’exception. Je n’avais donc pas 1000 possibilités. Tout d’abord je voulais à la fois faire honneur au plat et au vin. Il me fallait donc un grand vin pour un grand plat. Ensuite, par respect pour les deux années de travail sur le pithiviers, je voulais un vin abouti et à son apogée, un vin mélange qui a du caractère, de la structure mais qui n’est pas étouffant. Le Trevallon 2000 m’a semblé une évidence et le mariage était magnifique.

Domaine Trevallon 2000

Fontaine-de-vaucluse est un de ces magnifiques petits villages provencaux. Il y a le soleil, la rivière et le calme. Assis en terrasse, j’aperçois à la carte un Trevallon 2005. A 88 euros, cela reste raisonnable et le moment me semble parfaitement choisi car la cuisine du restaurant Philip est simple mais bien exéctuée avec de bons produits et du goût.

Ce vin s’est avéré magnifique. Il est certain que l’esprit « vacance » et le cadre idyllique jouent leur rôle. Mais outre cela, j’ai retrouvé dans ce 2005 ce que j’aime tant des les vins de Trevallon plus vieux. Tout comme le 2000, on sent ce combat permanent entre les arômes du cabernet sauvignon (poivron, fruits noirs) et ceux de la syrah (garrigue, poivre). Le vin se montre structuré. Les tannins sont parfaitement fondus et l’ensemble remplit la bouche de façon harmonieuse. Ce n’est ni l’attaque, ni la finale ni le milieu de bouche qui domine. Non : les trois sont parfaitement équilibrés et laissent un sentiment de plénitude en bouche. Avec, à noter, une petite finale surette que j’aime tout particulièrement et qui provient peut-être de la vinification en grappes entières.

Domaine Trevallon 2005

Dans l’époque actuelle, plus personne ne veut attendre dix ans ou vingt ans avant de boire son vin. Ni les particuliers ni les restaurants n’ont la patience et les liquidités nécessaires pour ce faire. Le domaine a trouvé la solution : chaque année 8 000 bouteilles sont mises de côté pour être revendue 10 ans plus tard. Le temps, cela se paie. Il faudra dès lors compter environ deux fois le prix de vente des primeurs, ce qui reste raisonnable (les primeurs se vendent dans les 36 euros et les vieux millésimes dans les 65 euros). Des vins plus vieux, c’est un peu plus cher encore. Du 2001 est à la vente au prix de 110 euros (un prix que j’estime un peu trop élevé et je ferai donc l’impasse).

Domaine Trevallon - les bouteilles réservées

Le contenu est superbe mais le contenant aussi. Le vin et l’art se marie très bien. Trevallon le démontre à merveille. Les étiquettes (à partir de 1996) ont été créées par René Dürrbach, père d’Eloi, un artiste qui fût l’ami de nombreux peintres (dont Pablo Picasso). L’artiste a donc créé 50 modèles et l’étiquette est choisie en fonction des caractéristiques du millésime.

Domaine Trevallon - l'intérieur du chai

On se pose parfois la question de savoir ce que les vignerons boivent. Leur vin évidemment mais pas que ! Sur cette photo, on a une partie de la réponse : Comtes de Lafon, Rayas, Grange des pères, du poiré d’Eric Bordelet (que j’avais rencontré chez Sa.Qua.Na), de la chartreuse, de l’hermitage 1999 de chez Chave,… Chez Trevallon, on a bon goût.

Domaine Trevallon - la salle de dégustation

Eloi Dürrbach est un grand vigneron. Mais ce qui m’a rassuré, c’est que la succession est assurée. Lors de cette visite, c’est Ostiane, la fille d’Eloi, qui nous a reçu. C’est la première fois que j’entends ce prénom. Décidemment chez Trevallon, on ne fait pas les choses comme ailleurs et c’est très bien comme cela.

Ostiane nous a donc reçu une heure durant et nous a parlé du domaine. Pour la première fois, à la fin de la dégustation, on ne m’a rien proposé à l’achat et je n’ai rien demandé à acheter. Ostiane savait que j’achetais mes Trevallon chaque année en primeur en Belgique (via Mostade et Gobert ou Terroir Divin qui propose en plus le millésime 2005 et 2006) et elle respecte donc son réseau de distributeurs. Qui plus est, il est certain que la demande de Trevallon est supérieure à l’offre, surtout pour le blanc (qui, étonnamment, n’est pourtant pas mon préféré).
Domaine Trevallon - les foudres

Ostiane a le vin dans le sang. On ressent une véritable histoire d’amour entre eux deux. Elle connaît le travail de la vigne. Même si on est la fille du « boss », on retrousse ses manches pour travailler la terre et on retrousse son pantalon pour piger le moût. Ostiane nous a présenté les vignes, le chai et les vins et elle a détaillé les vinifications. Une chose est marquante : une phrase sur deux fini par une référence au travail son papa et à ses avis avisés. On sent qu’elle a des étincelles dans les yeux quand elle en parle : son papa, c’est sa référence. En retour je suis certain que Eloi Dürrbach est on ne peut plus fier de sa fille.

Il y a des grands vins et puis il y a les personnes qui le font. Pour que j’apprécie un vin au maximum, il me faut apprécier les personnes qui le font. Il y a donc de grands vins que je ne souhaite plus boire à cause du caractère « infect » du vigneron ou à cause de sa politique commerciale. Suite à ma visite de Trevallon, mon envie n’en est que renforcée d’augmenter mes stocks de ce vin en cave.

Domaine Trevallon - les parcelles

Une chose est sûre, c’est n’est pas demain que le style Trevallon changera et c’est tant mieux. La relève est assurée et Trevallon continuera à se faire comme il s’est toujours fait. Un grand vin se moque de toutes les modes car un grand vin incarne une mode intemporelle par lui-même. Pour paraphraser nos amis anglais : « Trevallon is the new black ».

 

http://www.domainedetrevallon.com

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