San Bruxelles

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Lancé en grandes pompes comme tout événement médiatique bien orchestré, il n’y a plus personne qui n’ait entendu parler du restaurant San à Bruxelles et du concept de bols de son créateur Sang Hoon Degeimbre.

Son idée, qu’on peut caractériser comme géniale, est de proposer des plats qui se mangent à la cuillère. Le client n’a donc d’autre choix que de déguster un peu de tous les ingrédients en piochant la composition qui lui est proposée dans un grand bol. La dégustation devient donc millimétrée et cadencée selon le rythme voulu par son créateur.

C’est un concept qui, outre son aspect dépaysant et innovant, s’avère parfaitement réussi, voir grandiose. Un concept, c’est théorique et, dans le monde rêvé de la théorie, on reste toujours dans le carré et dans le parfait. Mais le mettre en œuvre et lui donner vie, c’est un tout autre challenge où beaucoup se casseraient les dents.

C’est là qu’intervient un chef de renom comme Sang Hoon Degeimbre et son second de l’air du temps le chef japonais Toshiro Fujii. Les bols ne sont pas quelques ingrédients préparés rapidement et jetés dans un bouillon. C’est plutôt le contraire : on les sent réfléchis, pensés, travaillés et surtout exécutés avec le soin et le pointillisme qui caractérisent la culture asiatique. En particulier, les cuissons à basse température sont magiques (notamment cette volaille grandiose dont la peau avait été cuite à part pour la rendre hyper croustillante, goûteuse et gourmande)

C’est à la fois rafraîchissant (grâce à un excellent dosage de l’acidité via des légumes lacto-fermentés), plein d’arômes (grâce aux herbes), léger et dépaysant. Manger chez SAN, c’est un voyage en soi, un périple gastronomique qui ne peut laisser de marbre. L’exploit est tel qu’il ferait même oublier l’absence de produits nobles sur certains des bols (par exemple sur le bol entier de légumes que tout le monde a fini avec ravissement) ou l’absence de beurre et de crème (des ingrédients qui interviennent bien trop souvent comme palliatifs à un plat mal pensé ou mal exécuté).

Rien que pour le concept et surtout l’exécution parfaite, San Bruxelles est une adresse hautement recommandable et la qualité des bols est de nature à faire oublier le reste. Car, hélas, il subsiste quelques problèmes de jeunesse.

Le service doit encore se professionnaliser un peu. Ne parler qu’en Anglais, cela plaira logiquement à une clientèle internationale mais, même pour les clients qui parlent cette langue, il n’est pas toujours facile de traduire les ingrédients travaillés qui composent les bols. La description des bols dégustés souffrira dans cet article d’une certaine incertitude.

Heureusement et pour notre plus grande joie, le chef  Sang Hoon Degeimbre était présent lors du repas et nous a expliqué dans notre langue une partie de ce qui avait été servi (il a fait de même pour toutes les autres tables du restaurant soit dit en passant, ce qui prouve qu’il vient au contact de sa clientèle, même celle qu’il ne connait pas).

Il y a aussi une chose qui me choque un peu : le vin ! La carte des vins est catastrophique. C’est la première fois que j’emploie ce mot mais je n’en trouve pas d’autres. Il n’y a que huit références (huit références en tout et pour tout, que ce soit les bulles, le rouge et le blanc) et ce sont des vins natures (chacun ses goûts mais ce ne sont pas les miens et j’aime pouvoir éviter ce style). Qui plus est, la première bouteille sélectionnée était bouchonnée et la serveuse nous conseilla vivement de changer de référence (l’excuse étant que le lot entier serait problématique).

Les verres me choquent aussi un peu : que ce soit pour le champagne en apéritif ou pour les vins qui ont suivi, les verres sont dépourvus de pied. C’est un choix (les verres sont de la marque Riedel et représentent clairement un investissement) mais je ne m’y suis pas fait et je ne suis pas sûr de m’y faire un jour. J’ai bien trop l’impression de boire de l’eau quand je porte mon verre à la bouche.

Pour le service du vin, on est sur la même lignée : des carafes seraient les bienvenues (notamment sur la bégou 2014 qui est un vin qui doit s’aérer quand il est servi si jeune) surtout avec les vins natures, les chaussettes de laine tricotées pour garder le vin au frais ne sont pas ce qu’il y a de plus efficace et l’on doit assez souvent remplir son verre par soi même.

Pour les prix, on est sur 45 euros pour trois bols (lunch), 55 euros pour quatre bols et 65 euros (le soir) pour 5 bols. Il y a du travail, il y a de la recherche, il y a de la composition et il y a de la technique. Cela se répercute donc dans le prix final. A ce niveau de prix, une petite mise en bouche avec le champagne, ça serait sympa.

Je suis en train d’écrire cet article et je me rend compte d’une chose : à force de vouloir être circonspect, j’en suis venu à détailler bien trop les aspects négatifs. Car il faut relativiser fortement. Tout d’abord, je suis en partie fautif pour m’être rué juste après l’ouverture. Le restaurant n’a ouvert que ce lundi, soit il y a 4 jours seulement. Paris ne s’est pas fait en un jour. Comme souvent, il aurait été plus honnête et bien plus représentatif d’avoir attendu quelques mois que le rodage soit passé. Mea Culpa.

Qui plus est, quels sont les aspects à améliorer ? Le service d’abord. Certes mais c’est le point le plus facile, surtout quand on a eu l’habitude de gérer un deux étoiles Michelin et 18/20 au Gault & Millau. Les vins ? A nouveau, ca sera un point vite résolu avec un peu d’investissement (Arthur on compte sur toi) et avec les compétences œnologiques (et la passion) du patron et de ses sommeliers.

Alors franchement, je tiens à le dire et à le redire : ces problèmes de rodages comptent finalement bien peu dans l’appréciation globale car je suis époustouflé par le niveau des bols. D’ailleurs je compte y retourner avant la fin de l’année. Je publierai alors une mise à jour de mon texte pour refléter l’évolution de mon expérience. Et à ce moment, je pense que SAN à Bruxelles sera devenue « THE place ». Non pas « THE place » dans le sens bling-bling hyper tendance mais plutôt dans le sens d’un voyage gastronomique autour de bols superbes qu’on peut accompagner en toute décontraction avec quelques belles fioles !

En tout cas chapeau bas Sang Hoon Degeimbre : vous faites une entrée remarquée et remarquable à Bruxelles. Un grand bravo et à très bientôt.


LIEN

http://www.sanbxl.be

https://www.passiongastronomie.be/wp-content/gallery/san-2015-10-08/72ABA7CC-6F2F-4498-8D58-BB11861DE70C_Fotor_Collage.jpg

MENU

Bonite basque crue, shizo, daikon lacto-fermenté. La bonite (un poisson cousin du thon), crue et fondante, se coupe simplement avec la cuillère. Une belle qualité ! La mousse est aérienne, l’ensemble harmonieux et plein de saveurs et la pointe acide amène le peps du plat.

Bol de légumes lactés. Un joli assemble de légumes. Le goût est un peu uniformisé (sans doute de part la lacto-fermentation) mais on se régale du croquant et du jus lacté.

Volaille, champignons, sauce suprême, enoki (champignon japonais). Une merveille de volaille en basse cuisson, sauf pour la peau qui a été intelligemment préparée à part et croustillante. Cette peau n’est d’ailleurs pas là pour faire décoration : son goût gourmand donne de la profondeur au plat.

Sorbet à la poire, gingembre, mousse d’amandes, crumble, pistache. Un beau dessert, plein de fraîcheur et de textures


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2 Responses

  1. Marco

    Petite précision: le menu 3 bols n’est pas à 30€ mais 45€ et 4 bols pour 55€/5 pour 65€. Ce qui met les 4 bols quasi au même prix qu’un lunch au Comme chez soi (60€).
    Lunch a deux au SAN 3 bols et 2 verres de vin + eau: 105€.

    • PassionGastronomieAdmin

      En effet. Je viens de vérifier mon addition et vous aviez raison. J’ai donc mis à jour l’article avec les bons prix. Merci pour votre commentaire.

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